Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation ;
Vu les articles 50, 50-1, 50-2 et 51 alinéa 3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée notamment par les lois organiques n° 92-189 du 25 février 1992 et n° 2001-539 du 25 juin 2001 ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche adressée le 4 novembre 2005 au Conseil supérieur de la magistrature par le garde des sceaux, ministre de la justice, lui dénonçant les faits motivant des poursuites disciplinaires contre M. X, juge d’instruction au tribunal de première instance de ..., ainsi que les pièces jointes à cette lettre ;
Vu la lettre du 13 décembre 2005 du président du tribunal de première instance de ... ainsi que la lettre du 15 décembre 2005 du premier président de la cour d’appel de ... ;
Vu la convocation notifiée à M. X, le 7 décembre 2005, l’informant que le Conseil supérieur de la magistrature se réunirait le 11 janvier 2006, à 11 heures, en vue d’une éventuelle application de l’article 51, alinéa 3, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et l’invitant à se présenter à cette séance pour y présenter sa défense ;
Vu la lettre du 9 décembre 2005 par laquelle M. X a désigné Me ..., avocat au barreau de ..., pour l’assister à cette séance ;
Vu la communication de la procédure à M. X et à son avocat ;
Vu les conclusions déposées par M. ... le 11 janvier 2006 ;
Vu la lettre de Me ..., reçue par le Conseil le 13 janvier 2006, transmettant une demande de mutation établie par M. X le 12 janvier 2006 ;
Vu la lettre de Me ..., parvenue à la Cour le 17 janvier 2006, transmettant au Conseil l’appréciation du président du tribunal de première instance de ... de M. X pour les années 2004 et 2005 ;
Après avoir entendu, le 11 janvier 2006, à 11 heures :
- M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires, assisté de Mme Florence Butin, magistrate à l’administration centrale du ministère de la justice,
- M. ..., avocat au barreau de ..., assistant M. X, lequel a été entendu en ses explications et qui a eu la parole en dernier ;
Attendu que, le 4 novembre 2005, conformément aux dispositions de l’article 50-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le garde des sceaux, ministre de la justice a dénoncé au Conseil supérieur de la magistrature des faits motivant des poursuites disciplinaires contre M. X relatifs à la mauvaise tenue de son cabinet d’instruction et à des interventions se situant hors de tout cadre procédural, à des comportements personnels consistant à entretenir des relations susceptibles de compromettre son impartialité, à user à des fins personnelles de prérogatives conférées par sa fonction et à s’affranchir de l’obligation de réserve imposée par sa qualité de magistrat ; qu’à partir de ces faits, l’acte de saisine retient de multiples manquements aux devoirs d’indépendance, d’impartialité, de neutralité, de sens des responsabilités, de loyauté et de prudence du magistrat et estime que l’ensemble des fautes disciplinaires imputées à M. X ont durablement porté atteinte à l’image et au crédit de la justice ;
Attendu que le président du tribunal de première instance de ... observe que certains griefs retenus à l'encontre de M. X renvoient à la permanence de situations de confusion des genres préjudiciables à l’image de l’institution judiciaire et aux effets négatifs d’un trop long séjour dans les mêmes fonctions et dans le même ressort outre-mer ; que les répercussions de ces comportements de notoriété publique exposent ce magistrat à se heurter dans l’exercice de ses fonctions à des réticences, voire à des pressions ; que cette situation risque de l’amener pour des motifs personnels à appréhender de manière plus ou moins hésitante la conduite des informations, de ses relations avec les justiciables et les auxiliaires de justice ;
Attendu que le premier président de la cour d’appel de ... relève que les investigations de l’inspection générale des services judiciaires et l’instruction en cours au tribunal de grande instance de ... sont des éléments connus d’une partie des acteurs judiciaires, avocats et officiers de police judiciaire en particulier, qui interfèrent dans l’exercice des fonctions de M. X comme juge d’instruction ;
Attendu qu’aux termes de l’article 51, alinéa 3, de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le Conseil supérieur de la magistrature peut interdire au magistrat incriminé l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive ;
Attendu qu’il résulte de la dénonciation et du rapport de l’inspection générale des services judiciaires sur lequel elle se fonde que les faits multiples invoqués au soutien des poursuites disciplinaires engagées contre M. X ont atteint une notoriété locale telle que l’intéressé ne jouit plus de l’autorité et de la crédibilité nécessaires à l’exercice de ses fonctions de magistrat ; qu’une telle situation, préjudiciable au bon fonctionnement de la justice, caractérise l’urgence commandant que, dans l’intérêt du service, soit interdit à l’intéressé l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires engagées contre lui ;
Par ces motifs,
Interdit temporairement à M. X l’exercice de toutes fonctions au tribunal de première instance de ... jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;
Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de ... ;
Prononcé le l8 janvier 2006 par le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège [...].