Conseil d’État, section du contentieux, requête n° 295778

Date
19/12/2007
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir d'impartialité, Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Rejet
Mots-clés
Poursuites disciplinaires (impartialité)
Poursuites disciplinaires (principe du contradictoire)
Poursuites disciplinaires (motivation de la décision)
Poursuites disciplinaires (qualification des faits)
Poursuites disciplinaires (appréciation souveraine des faits)
Impartialité
Etat de magistrat
Fonctions
Probité
Institution judiciaire (confiance)
Rejet
Juge d'instruction
Fonction
juge d'instruction
Résumé
Requête en annulation de la décision du CSM aux motifs allégués d’une méconnaissance du principe d’impartialité et de celui du contradictoire, d’une insuffisance de motivation ainsi que d’une qualification inexacte et d’une mauvaise appréciation des faits
Décision(s) associée(s)

Le Conseil d’État statuant au contentieux (section du contentieux, 6ème sous-section)

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 juillet et 24 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. X, domicilié … ; M. X demande au Conseil d’État :

1 - d’annuler la décision du 24 mai 2006 par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction de retrait des fonctions de juge d’instruction assortie du déplacement d’office ;

2 - de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de maître des requêtes,
- les observations de la SCP …, avocat de M. X,
- les conclusions de M. Yann Aguila, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X demande l’annulation de la décision par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction de retrait des fonctions de juge d’instruction assortie du déplacement d’office ;

Sur les conclusions aux fins de non-lieu du garde des sceaux

Considérant que si le garde des sceaux fait valoir, qu’après l’introduction de la requête la démission de M. X a été acceptée et que celui-ci a été radié des cadres de la magistrature par décret du Président de la République en date du 8 février 2007, cette circonstance n’est pas de nature à priver d’objet les conclusions du requérant ; que, par suite, les conclusions aux fins de non-lieu du garde des sceaux doivent être écartées ;

Sur la régularité de la décision attaquée

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 51 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : « Le Conseil supérieur de la magistrature peut interdire au magistrat incriminé, même avant la communication de son dossier, l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive. Cette interdiction ne comporte pas privation du droit au traitement. Cette décision ne peut être rendue publique » ; qu’il résulte de ces dispositions que cette mesure, décidée dans l’intérêt du service, présente un caractère conservatoire et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu’ainsi, son prononcé par une formation identique à celle appelée à statuer au fond ne méconnaît pas le principe d’impartialité ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 55 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 précitée : « Le magistrat a droit à la communication de son dossier, de toutes les pièces de l’enquête et du rapport établi par le rapporteur. Son conseil a droit à la communication des mêmes documents » ; que le président du Conseil supérieur de la magistrature a avisé M. X, par courrier en date du 30 novembre 2005, de la possibilité qui lui était donnée de prendre connaissance de son dossier ; que l’ensemble des pièces ayant fondé la saisine de l’inspection générale des services judiciaires et le dossier administratif personnel du requérant ont été versés au dossier disciplinaire ; que lors de son audition, le 12 janvier 2006, par le rapporteur du Conseil supérieur de la magistrature, le requérant a indiqué ne pas avoir d’observations à présenter sur les pièces de la procédure disciplinaire dont il faisait l’objet ; qu’il n’a pas davantage, dans son mémoire du 15 mai 2006, déposé en préparation de son audition par le Conseil supérieur de la magistrature le 24 mai suivant, fait état de pièces utilisées dans la procédure disciplinaire et dont il n’aurait pas eu connaissance ; que, par suite, M. X, qui ne précise pas les pièces du dossier utilisées dans la procédure dont il n’aurait pas eu connaissance, n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a méconnu le principe du contradictoire et a été rendue selon une procédure irrégulière ;

Considérant, en troisième lieu, que la décision attaquée mentionne les motifs de la sanction infligée à M. X ; qu’ainsi le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de la décision attaquée

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le fonctionnement du cabinet d’instruction de M. X a été marqué, au cours des années 2004 et 2005, par une gestion insuffisamment maîtrisée et un manque de rigueur ; que le comportement de l’intéressé dans ses relations avec les justiciables, les services de gendarmerie et la presse a révélé une absence de références déontologiques, de discernement et de prudence préjudiciable à l’impartialité et au crédit de la justice ; qu’en jugeant que ces faits, dont la matérialité est établie et qui sont postérieurs à la loi du 6 août 2002 portant amnistie, étaient constitutifs d’un manquement de M. X aux devoirs de son état et de nature à justifier une sanction, le Conseil supérieur de la magistrature n’a ni dénaturé les pièces du dossier ni entaché sa décision d’erreurs de qualification juridique ;

Considérant qu’en jugeant que la gravité des faits justifiait un retrait des fonctions de juge d’instruction assorti du déplacement d’office, le Conseil supérieur de la magistrature s’est livré à une appréciation souveraine qui, dès lors qu’elle est exempte de dénaturation, n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de cassation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision par laquelle le Conseil supérieur de la magistrature, statuant en conseil de discipline des magistrats du siège, a prononcé à son encontre la sanction de retrait des fonctions de juge d’instruction assortie du déplacement d’office ; que ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être également rejetées ;

Décide :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X et au garde des sceaux, ministre de la justice.