Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance modifiée n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 94-101 du 5 février 1994 ;
Vu la dépêche du 16 mars 1998 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;
Considérant que M. X a été régulièrement cité ; qu’il ne comparaît pas et invoque son état de santé pour justifier son absence ;
Considérant que les articles 54 et 64 du statut de la magistrature font obligation au magistrat cité de comparaître en personne ;
Considérant toutefois que le motif médical invoqué, dûment justifié par des certificats médicaux, doit être reconnu comme pouvant autoriser l’intéressé, aux termes des articles 54 et 64 susvisés, à se faire représenter ;
Considérant que Me Honnet, avocat de l’intéressé, présent à la barre, sollicite le renvoi de l’affaire de son client à une audience ultérieure pour les raisons médicales mentionnées ci-dessus ;
Considérant cependant qu’il peut être passé outre en l’absence du magistrat « hors le cas de force majeure », aux termes de l’article 65 susvisé ;
Considérant qu’en l’espèce, l’empêchement invoqué par M. X ne constitue pas un cas de force majeure revêtant les caractères de l’imprévisibilité et de l’irrésistibilité ;
Considérant qu’il y a donc lieu de statuer sur les griefs allégués à l’encontre de M. X qui n’a pas donné mandat à son avocat de le représenter ;
Considérant que l’affaire a été mise en délibéré au 9 juillet 1999 à l’issue de débats qui, sur décision prise d’office, se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation le vendredi 2 juillet 1999 et au cours desquels le rapporteur a été dispensé par le directeur des services judiciaires et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;
Considérant qu’aux termes de la dépêche susvisée, le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi d’un certain nombre de faits commis par M. X, lui reprochant :
1 - le 29 avril 1997, alors qu’il occupait le siège du ministère public à l’audience du tribunal correctionnel de V, d’avoir parlé à un prévenu d’une question se rapportant à un différend les ayant opposés, sans rapport avec les faits de la cause ;
2 - courant juillet 1997, alors qu’il faisait fonction de chef de parquet, d’avoir tenté de donner des informations sur son affaire à un policier municipal faisant l’objet de poursuites judiciaires pour violences volontaires ;
3 - le 24 juillet 1997, de s’être durablement absenté sans raison valable de la réunion de la commission d’application des peines du centre pénitentiaire de W, lors de l’examen de demandes de permission de sortir faites par des détenus ;
4 - le 4 septembre 1997, alors qu’il présidait la réunion mensuelle du comité restreint de lutte coordonnée contre le travail clandestin, d’avoir, dans les termes les plus vulgaires, publiquement imputé à des officiers de la gendarmerie nationale des comportements déplacés dans un bar de la région de V ;
5 - le 5 septembre 1997, dans le cabinet d’un juge d’instruction, d’avoir eu des gestes d’une familiarité excessive et déplacée à l’égard d’un mineur déféré pour des faits de viol et d’agressions sexuelles ;
6 - le 12 septembre 1997, d’avoir abusé de sa qualité pour obtenir des gendarmes, qui avaient relevé qu’il circulait sur autoroute à une vitesse excessive au volant d’une voiture ayant des pneumatiques lisses, de ne pas lui dresser procès-verbal ;
Considérant que M. X ne conteste pas la matérialité des faits dont il s’est borné à minimiser la portée ;
Considérant que si chacun de ces faits, pris isolément, ne constitue pas, par lui-même, un manquement intolérable à la déontologie du magistrat, leur accumulation, sur une brève période de temps, traduit chez M. X une grave incompréhension des devoirs élémentaires de son état ;
Considérant qu’il doit être relevé que les faits retenus se sont produits quelques semaines après une sanction disciplinaire que lui avait infligée le garde des sceaux, ministre de la justice, par une décision du 9 avril 1997, pour des manquements déontologiques retenus comme contraires à l’honneur ;
Considérant qu’il se déduit de cette persistance dans des attitudes et des propos inconsidérés et contraires à l’honneur, une inadaptation fondamentale de la personnalité de M. X aux devoirs de son état ; qu’il doit dès lors être mis fin à la carrière judiciaire de ce magistrat ;
Par ces motifs,
Émet l’avis qu’il y a lieu de prononcer contre M. X la sanction de la mise à la retraite d’office prévue par l’article 45, 5°, du statut de la magistrature ;
Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, et notifié à M. X, par les soins du secrétaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet.