Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
20/02/2014
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat, Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire), Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des auxiliaires de justice, Manquement au devoir de loyauté à l’égard des supérieurs hiérarchiques, Manquement au devoir de probité (devoir de réserve), Manquement au devoir de prudence
Décision
Non-lieu à transmission de la QPC
Mots-clés
Question prioritaire de constitutionnalité
Non-lieu à transmission
Changement de circonstances (absence)
Fonction
Conseiller à la cour d'appel
Résumé
Rejet de la demande de transmission du grief d'inconstitutionnalité tiré de l'atteinte portée au droit à un procès équitable par les dispositions de l'ordonnance statutaire régissant la procédure devant le Conseil supérieur de la magistrature statuant en tant que juridiction disciplinaire des magistrats du siège de l'ordre judiciaire, ces dispositions organiques ayant fait l'objet d'une déclaration préalable de conformité par le Conseil constitutionnel, le requérant ne justifiant pas d'un changement des circonstances de droit ou de fait.

CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE
Conseil de discipline des magistrats du siège
20 février 2014

M. X
DÉCISION

Le Conseil supérieur de la magistrature, siégeant comme Conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur une question prioritaire de constitutionnalité déposée par M. X, magistrat placé en position de disponibilité s'est réuni le 30 janvier 2014 à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, président de la formation,

Vu l'article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu l'acte de saisine du garde des sceaux, en date du 24 juillet 2013, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l'encontre de M. X, actuellement magistrat placé en position de disponibilité, avocat inscrit au barreau de xxxxx, et précédemment conseiller à la cour d'appel d'xxxxx ;
Vu l'ordonnance du 4 septembre 2013 désignant Mme Catherine Vandier en qualité de rapporteur ;
Vu les conclusions déposées le jour de l'audience ;
Vu le rappel, par M. le président, des termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : «L'audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline » et l'absence de demande spécifique formulée en ce sens par M. X et son conseil, conduisant à tenir l'audience publiquement ;
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Attendu qu'après avoir entendu M. X, assisté de M. A, vice-président au tribunal de grande instance de xxxxx, au soutien d'une demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité, Mme Valérie Delnaud, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Mme Hélène Volant, magistrate à cette direction, en ses observations tendant au rejet de cette demande, M. X, assisté de M. A, ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;
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Attendu qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé » ; qu'en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, « devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative

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Conseil constitutionnel, « devant les juridictions relevant du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation, le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est, à peine d'irrecevabilité, présenté dans un écrit distinct et motivé » ;
Attendu que M. X demande que soit adressée au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité suivante :
«L'exercice du droit à un procès équitable devant un tribunal impartial affirmé par l'article 6 de la Convention EDH, et qui découle également de l'article 16 de la Déclaration de 1789 est-il garanti, devant le Conseil supérieur de la magistrature statuant en tant que juridiction disciplinaire des magistrats du siège de l'ordre judiciaire, dès lors que le magistrat choisi par un des pairs pour l'assister, n'est assuré d'aucune garantie individuelle contre d'éventuelles pressions liées à l'exercice de la défense, d'aucun aménagement de service, ni du moindre remboursement des frais de déplacement qu'il engage ? »
Attendu que M. X, dans les conclusions présentées, précise que « la question prioritaire de constitutionnalité port(e) sur l'application des dispositions de l'article 52 de l'ordonnance 58-1270 du 22 décembre 1958 pour insuffisance des garanties appropriées encadrant les droits de la défense devant l'organe disciplinaire des magistrats de l'ordre judiciaire. »
Sur la recevabilité du moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution
Attendu que le 15 janvier 2014, à l'occasion de l'audition de M. X par Mme Catherine Vandier, rapporteure, M. A a déposé dans un écrit signé par lui, une question prioritaire de constitutionnalité, transmise précédemment par courriel le 13 janvier 2014, et jointe au procès-verbal d'audition signé par M. X ;
Attendu que le jour de l'audience, M. A a déposé des conclusions signées par lui, dans lesquelles est formulé le texte de la question prioritaire de constitutionnalité ;
Attendu qu'en l'espèce, le Conseil constate que le moyen tiré de l'atteinte aux droits et libertés par la Constitution a été présenté dans des conclusions déposées le 15 janvier 2014, puis le jour de l'audience ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est recevable en ce qu'elle est fondée sur la méconnaissance des dispositions à valeur constitutionnelle de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ; que le grief tiré de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne pouvant être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité, est inopérant.

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Sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat
Attendu que l'article 23-2 de l'ordonnance précitée du 7 novembre 1958 prévoit que la juridiction statue sans délai par une décision motivée sur la transmission de la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil d'Etat si les conditions suivantes sont remplies :
1° La disposition contestée est applicable au litige et à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;
2° Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances ;
3° La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.
Attendu que les dispositions contestées de l'article 52 de l'ordonnance précitée du 22 décembre 1958 et, de manière particulière, l'alinéa 2 qui dispose que « le magistrat incriminé peut se faire assister par l'un de ses pairs, par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ou par un avocat inscrit au barreau » résultent de la loi n°70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut de la magistrature ; qu'elles ont été déclarées conformes à la Constitution dans le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel n°70-DC du 9 juillet 1970 ;
Attendu, en tout état de cause, que pour ce qui concerne le contrôle qu'il exerce sur les lois organiques, le Conseil constitutionnel doit être regardé comme s'étant prononcé sur la conformité à la Constitution de chacune des dispositions de la loi organique qui lui est soumise ; que dès lors, sauf changement dans les circonstances, les lois organiques promulguées doivent être regardées, dans leur intégralité, comme conformes à la Constitution, alors même que la décision du Conseil constitutionnel qui les a examinées ne mentionne pas expressément les dispositions critiquées dans ses motifs ;
Attendu, en outre, que, postérieurement à la loi du 17 juillet 1970, seul le premier alinéa de l'article 52 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 a été modifié par l'article 27 de la loi n°2010-830 du 22 juillet 2010, lequel a expressément été visé dans les motifs de la décision 2010-611 DC du 19 juillet 2010 et a été déclaré conforme à la Constitution dans le dispositif ;

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Attendu, en conséquence, que les dispositions de l'article 52 de l'ordonnance statutaire doivent être regardées comme conformes à la Constitution, sauf changement dans les circonstances, de fait ou de droit ;
Attendu, qu'en l'espèce, M. X invoque une « inégalité manifeste » et « structurelle » entre « les moyens mis à la disposition de l'administration pour assurer la démonstration de la culpabilité d'un magistrat et les moyens que la loi organique alloue à la préparation de la défense d'un magistrat par un autre magistrat », renforcée, selon lui, par l'institution de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par tout justiciable, prévue à l'article 50-3 de l'ordonnance précitée du 22 décembre 1958 dans sa rédaction issue de la loi n°2010-830 du 22 juillet 2010 ;
Attendu que M. X invoque le fait que la situation des défenseurs des magistrats de l'ordre judiciaire a ainsi été rendue plus difficile par l'élargissement de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le justiciable, « sans que pour autant une réflexion ne soit engagée sur la possibilité de mettre effectivement ces droits en œuvre. » ;
Attendu que les saisines en matière disciplinaire de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège sont les suivantes : 4 en 2003, 4 en 2004, 7 en 2005, 3 en 2006, 5 en 2007, 5 en 2008, 8 en 2009, 6 en 2010, 10 en 2011 dont aucune à la suite d'une plainte d'un justiciable, 5 en 2012 dont une à la suite d'une plainte d'un justiciable et 7 en 2013 dont une à la suite d'une plainte d'un justiciable ; que ces données sont publiées dans les rapports d'activité du Conseil ;
Attendu qu'il s'ensuit que la procédure de saisine du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables n'a pas eu d'incidence significative sur le nombre total des procédures disciplinaires engagées, de nature à caractériser un changement des circonstances qui n'est dès lors pas démontré ; qu'en effet, le nombre total des saisines du Conseil de discipline est en 2012 égal ou inférieur à celui de 2005, 2007, 2008, 2009, 2010 ou 2011 et, en 2013, égal ou inférieur à celui de 2005, 2009 ou 2011 ;
Attendu que les dispositions contestées ont été déclarées conformes à la Constitution sans que M. X justifie d'un changement des circonstances de fait ou de droit, postérieur aux décisions précitées du 16 juillet 1970 et du 19 juillet 2010 ; que l'une des conditions prévue à l'article 23-¬2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 faisant ainsi défaut, la demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité ne peut qu'être rejetée.

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PAR CES MOTIFS,
Le Conseil, après en avoir délibéré à huis clos;
Statuant en audience publique, le 30 janvier 2014 pour les débats et le 20 février 2014, par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;
Rejette la demande de transmission au Conseil d'Etat d'une question prioritaire de constitutionnalité ;
Dit que copie de la présente décision sera adressée à M. X