Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
27/03/2014
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des justiciables, Manquement au devoir de légalité (obligation de diligence)
Décision
Blâme avec inscription au dossier
Mots-clés
Délicatesse
Défaut de diligence
Juge d'instruction
Blâme
Cabinet d'instruction
Fonction
Vice-président chargé de l'instruction
Résumé
En raison d'insuffisances professionnelles en relation avec la gestion de son cabinet d’instruction, ayant entraîné des retards chroniques et récurrents, et en dépit de mesures d’allègement de son service et d'observations ou mises en garde, le magistrat instructeur a manqué à son devoir de délicatesse à l’égard des justiciables, de même qu’au devoir d’accomplir sa mission avec diligence.

CONSEIL SUPÉRIEUR
DE LA MAGISTRATURE

Conseil de discipline
des magistrats du siège

27 Mars 2014

Mme X

DÉCISION

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni le 26 février 2014 à la Cour de cassation comme Conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par le premier président de la cour d’appel de xxxxx à l’encontre de Mme X, vice-présidente chargée de l’instruction au tribunal de grande instance de xxxxx, sous la présidence de M. Vincent Lamanda, Premier président de la Cour de cassation, président de la formation, en présence de :
M. Pierre Fauchon,
Mme Chantal Kerbec,
Mme Martine Lombard,
M. Christophe Ricour,
M. Frédéric Tiberghien,
M. Jean Trotel,
M. Loïc Chauty,
M. Luc Fontaine,
Mme Catherine Vandier,

membres du Conseil,

assistés de M. Peimane Ghaleh-Marzban, secrétaire général du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 43 à 58 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu l’article 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 modifié relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu le rapport en date du 9 mai 2012 du premier président de la cour d’appel de xxxxx et ses pièces annexées, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du siège ;

Vu l'ordonnance du 23 mai 2012 du président de la formation désignant Mme Emmanuelle Perreux en qualité de rapporteur ;

Vu le rapport déposé le 8 janvier 2014 par Mme Emmanuelle Perreux, dont Mme X a reçu copie ;

Vu les conclusions de nullité avant toute défense au fond reçues au Conseil le 25 février 2014 et les conclusions au fond déposées le jour de l’audience ;

Vu le rappel, par M. le président, des termes de l'article 57 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels : «L’audience du conseil de discipline est publique. Toutefois, si la protection de l'ordre public ou de la vie privée l'exigent, ou s'il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l'accès de la salle d'audience peut être interdit pendant la totalité ou une partie de l'audience, au besoin d'office, par le conseil de discipline » et l'absence de demande spécifique formulée en ce sens par Mme X et ses conseils, conduisant à tenir l'audience publiquement ;

***
Attendu qu’à l’ouverture de la séance, Mme X, assistée de Maître A et Maître B, avocats à la Cour et Mme C, premier juge d’instruction au tribunal de grande instance de xxxxx, ont développé des conclusions de nullité avant toute défense au fond ; qu’après avoir entendu Mme Valérie Delnaud, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature, assistée de Mme Claire Allain-Feydy et M. Vincent Aldeano-Galimard, magistrats à cette direction, Mme X, assistée de ses conseils ayant eu la parole en dernier, le Conseil, après en avoir délibéré, a décidé de joindre les demandes au fond ;

Attendu qu’à la reprise de l’audience, après audition de Mme Delnaud et lecture du rapport par le secrétaire général du Conseil en l’absence de Mme Perreux, empêchée, le Conseil a procédé à l’audition de Maître D, Maître E, avocats à la Cour, et de Mme F ; que le Président de la formation a donné lecture d’une lettre adressée par Maître G, de même que les conseils de Mme X d’attestations au soutien de sa défense ; qu’après avoir entendu Mme X en ses explications et moyens, Mme la sous-directrice des ressources humaines de la magistrature en ses observations qui a indiqué n’y avoir lieu à prononcer de sanction, Mme C en ses observations, Maître B et Maître A en leur plaidoirie, Mme X ayant eu la parole en dernier, le Conseil en a délibéré ;

***

-Sur la procédure

Attendu que les conclusions avant toute défense au fond tendent à :

- l’annulation de l’acte de saisine, de la désignation du rapporteur et de tous les actes subséquents ;
- l’annulation du rapport rédigé par le rapporteur et de tous les actes subséquents ;

*Sur la demande d’annulation de l’acte de saisine, de la désignation du rapporteur et de tous les actes subséquents

Attendu que les conseils de Mme X arguent, à l’appui de la demande d’annulation de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature par le premier président de la cour d’appel de xxxxx et de tous les actes subséquents, de la violation des dispositions de l’article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l’Homme, aux motifs de l’imprécision de l’acte de saisine, du non-respect du principe de la contradiction, d’une part, en l’absence d’audition de Mme X préalablement à la saisine de la juridiction disciplinaire par le premier président de la cour d’appel de xxxxx et, d’autre part, en la notification des évaluations de Mme X pour les seuls besoins de la cause, en mai 2012 pour celles de 2005 à 2007 et en septembre 2013 pour celles de 2010 et 2011, et de l’absence de transmission au Conseil par le premier président de la cour d’appel de xxxxx à l’appui de la saisine d’une « étude contradictoire suffisamment établie démontrant la particulière longueur des délais de traitements des procédures du cabinet d’instruction tenu par Madame X par rapport aux autres services du tribunal de grande instance de xxxxx » ;

Attendu qu’en application de l’article 50-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, « le Conseil supérieur de la magistrature est également saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers présidents de cour d’appel ou les présidents de tribunal supérieur d’appel » ;

Attendu que l’acte par lequel le premier président de la cour d’appel de xxxxx a saisi la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière de discipline des magistrats du siège de faits imputables à Mme X n'est qu'un élément de la procédure qui permet au Conseil supérieur de la magistrature, après avoir examiné la réalité des griefs formulés à l’encontre d’un magistrat, de prononcer éventuellement une sanction à l'égard du magistrat en cause ; que l’acte de saisine ne peut dès lors, par lui-même, faire l’objet d’une demande de nullité ;

Attendu en outre que si le premier président de la cour d’appel de xxxxx n’a pas directement procédé à l’audition de Mme X, il résulte des pièces de la procédure qu’à la suite d’une lettre en date du 30 mars 2012 du premier président de la cour d’appel de xxxxx à la présidente du tribunal de grande instance de xxxxx, transmettant un rapport du 15 mars 2012 du président de la chambre de l’instruction concernant le fonctionnement du cabinet de Mme X, celle-ci a été reçue, le 12 avril 2012, par Mme H, premier vice-président chargé du service pénal au tribunal de grande instance de xxxxx, afin de recueillir ses observations sur le fonctionnement de son cabinet ;

Attendu qu’à cette occasion, Mme X était accompagnée, à sa demande, de Mme I, vice-président chargé de l’instruction, en qualité de représentant syndical ; qu’en outre, Mme X a remis le même jour des observations écrites sur le rapport du président de la chambre de l’instruction qu’elle a indiqué avoir eu en sa possession depuis le 20 mars 2012 ;

Attendu que les prescriptions de l’article 50-2 de l’ordonnance statutaire n’imposaient pas que le premier président de la cour d’appel de xxxxx procède à l’audition du magistrat objet de la saisine ; qu’il apparaît, en tout état de cause, qu’en l’espèce, Mme X a eu la possibilité, préalablement à la saisine du Conseil, de formuler toutes les observations utiles, tant écrites qu’orales sur les éléments relevés par le président de la chambre de l’instruction portant sur le fonctionnement de son cabinet d’instruction ;

Attendu enfin que l’article 42 du décret du 9 mars 1994 qui dispose que « l’autorité qui saisit le conseil supérieur de faits motivant une poursuite disciplinaire adresse au président de la formation concernée tous les documents fondant cette poursuite », n’imposait pas au premier président de la cour d’appel de xxxxx, au regard de la nature juridique de l’acte de saisine du Conseil, de transmettre, ainsi que le soutiennent les conseils de Mme X, une étude contradictoire sur la situation du cabinet d’instruction de Mme X ; qu’il y a lieu de relever qu’en l’espèce, le premier président de la cour d’appel a notamment joint à l’acte de saisine le rapport du 15 mars 2012 du président de la chambre de l’instruction, les observations écrites de Mme X, de même que le rapport de Mme H du 16 avril 2012 faisant état des observations orales de Mme X ;

Attendu, en tout état de cause, qu’au cours de l’enquête et avant l’audience, Mme X a eu communication de toutes les pièces de l’enquête et du rapport établi par le rapporteur ; qu’elle a eu la possibilité, assistée de ses conseils, de s’exprimer au cours de l’audience et de développer tous moyens utiles à l’appui de sa défense, en ayant la parole en dernier ;

Attendu qu’ainsi, Mme X, assistée de ses conseils, a eu la possibilité de discuter contradictoirement les éléments contenus dans la saisine du Conseil supérieur de la magistrature ;

Attendu qu’il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de l’acte de saisine et partant, de la demande d’annulation de la désignation du rapporteur, Mme Emmanuelle Perreux ayant été régulièrement désignée par le Président de la formation du Conseil le 23 mai 2012, en application de l’article 51 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

*Sur la demande d’annulation du rapport rédigé par le rapporteur et de tous les actes subséquents

Attendu que les conseils de Mme X, au soutien de la demande d’annulation du rapport rédigé par le rapporteur, exposent d’une part que Mme Perreux « a choisi M. J, président de la Chambre de l’instruction de xxxxx pour assister le délégataire principal désigné, M. K, dans la mission d’examen du cabinet de Mme X » et qu’ « il s’agit donc d’un magistrat placé sous l’autorité directe du Premier président de la Cour d’appel à l’origine de la poursuite » ; qu’au regard du lien de subordination existant, tenant notamment au pouvoir d’évaluation, de fixation du taux de prime modulable ou d’attribution de congés, cette désignation porterait atteinte à l’impartialité objective de la juridiction ; qu’ils font valoir, d’autre part, que la désignation de M. K, conseiller à la Cour de cassation, placé sous l’autorité directe du Premier président de la Cour de cassation, président du Conseil supérieur de la magistrature, dont la mission, selon les requérants, aurait été « d’apporter des faits susceptibles de fonder la réalité des actes de saisine » porterait atteinte, de la même manière, au principe d’impartialité objective ; que le fait, pour le Premier président de la cour d’appel de xxxxx, auteur de la saisine, d’avoir été installé en qualité de président de chambre à la Cour de cassation serait de nature également, à créer une apparence de subordination portant atteinte au principe d’impartialité objective ; qu’en outre, les conseils de Mme X soutiennent que la désignation de M. K, puis de M. J, ne consisteraient pas en la désignation d’un expert au sens de l’article 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, mais « en une véritable délégation des pouvoirs du rapporteur » ; qu’en dernier lieu, selon les conseils de Mme X, le versement par l’autorité de poursuite de pièces couvertes par le secret de l’instruction serait « contraire aux dispositions du code de procédure pénale et aux dispositions du statut de la magistrature qui protègent le magistrat contre la violation du serment qu’il a prêté » ;

Attendu qu’en application de l’article 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, « au cours de l’enquête, le rapporteur entend ou fait entendre le magistrat mis en cause par un magistrat d’un rang au moins égal à celui de ce dernier et, s’il y a lieu, le justiciable et les témoins. Il accomplit tous actes d’investigation et peut procéder à la désignation d’un expert » ;

Attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que le 24 octobre 2012, Mme Emmanuelle Perreux, rapporteur, a désigné M. K, conseiller à la chambre criminelle aux fins notamment de :

- « se faire communiquer le relevé intégral des actes d’instruction effectués dans les dossiers dont le cabinet de Mme X est ou a été saisi et notamment par consultation des bases de données informatiques. A cette fin, le délégataire aura accès au cabinet d’instruction et pourra accéder, dans le respect des dispositions du code de procédure pénale, aux dossiers physiques. Pour effectuer le contrôle du cabinet d’instruction, le délégataire sera assisté d’un président de chambre de l’instruction à la cour d’appel de xxxxx, M. J, désigné par ordonnance séparée, qui sera garant du bon déroulement des opérations (…) »

- « se faire communiquer par la présidence du tribunal de grande instance de xxxxx le rapport de Mme L, vice-présidente chargée de l’instruction au tribunal de grande instance de xxxxx relatif aux méthodes d’évaluation de la charge de travail des magistrats instructeurs spécialisés en matière économique et financière et déposé en septembre 2012 »
- « se faire communiquer par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de xxxxx les notices semestrielles ;
- « après exploitation des données recueillies », procéder « à l’audition de Mme X afin de recueillir ses observations sur les divers éléments ainsi rassemblés et sur les diligences effectuées dans les dossiers dont elle a eu la charge » ; après la communication d’un pré-rapport, « d’entendre Mme X par procès-verbal et de la convoquer par la voie hiérarchique ainsi que ses différents conseils ;
- (…)

Attendu, en premier lieu, que la nature de la mission confiée à M. K a porté sur le contrôle du fonctionnement du cabinet d’instruction de Mme X et sur le contrôle des dossiers physiques et l’accès à la base de données informatiques ;

Attendu que la nature de cette mission résulte tant des termes de l’ordonnance de désignation de M. K, des procès-verbaux de transport réalisés le 4 décembre 2012, le 15 janvier 2013 et le 29 janvier 2013 que des termes du pré-rapport en date du 27 février 2013 aux termes desquels M. K indique que « conformément à la mission reçue, telle que nous l’avons comprise, nous nous sommes abstenus de porter la moindre appréciation sur la pertinence ou la qualité des actes effectués par le juge d’instruction ou la stratégie qu’il a suivie dans telle ou telle information » et « ainsi qu’elle se présente, et dans les limites fixées, l’étude qui suit se veut une traduction exhaustive et aussi fidèle que possible de l’activité du cabinet d’instruction de Mme X. La présentation suit l’enregistrement, au fur et à mesure, des informations confiées à ce magistrat » ;

Attendu en conséquence que la mission confiée à M. K, portant sur le contrôle du cabinet de Mme X, s’analyse en une assistance technique qui s’est exercée sous le contrôle constant du rapporteur, portant sur le cabinet d’instruction de Mme X ; qu’à cet égard, Mme Perreux avait indiqué à Mme X, dans une lettre adressée le 29 novembre 2012 que les « commissions rogatoires s’exécutent sous (son) contrôle constant » ; qu’il résulte enfin des pièces de la procédure que M. K a informé le rapporteur de la conduite de sa mission ;

Attendu en outre que l’audition de Mme X, réalisée le 10 avril 2013 par M. K, ne procède pas d’une analyse des griefs articulés dans la saisine du Conseil, mais s’est bornée à recueillir, selon les termes de l’ordonnance de Mme Perreux, ses « observations sur les différents éléments résultant des diligences que (M. K) a effectuées » ; que M. K a précisé, lors de cette audition, que c’était « l’objet de la présente audition, à la suite de laquelle (il) établir(a) (s)on rapport définitif, en complément du rapport provisoire (…) communiqué » ;

Attendu que le concours de M. K, assistant Mme Perreux au cours de l’enquête, ne procède pas d’une délégation par Mme Perreux de ses pouvoirs, aux fins, selon les conseils de Mme X, d’apporter des faits susceptibles de fonder la réalité de l’acte de saisine, mais a constitué une contribution de nature technique ;

Attendu que l’exécution de cette mesure d’expertise a, en outre, pleinement respecté le principe de la contradiction et les droits de la défense ; qu’en effet, au regard notamment de l’audition de Mme X par M. K, Mme Perreux avait précisé que cette audition devait intervenir après la communication du pré-rapport portant sur le cabinet de Mme X, et que, préalablement à cette audition, il y avait lieu de mettre l’intégralité de la procédure à la disposition de Mme X et à celle de ses conseils ;

Attendu en deuxième lieu, que le premier président de la Cour de cassation ne dispose d’aucun pouvoir disciplinaire ni d’évaluation à l’endroit de M. K, conseiller à la Cour de cassation, qui n’est pas membre du Conseil statuant en matière disciplinaire ; qu’en conséquence, et après en avoir délibéré sur ce point sans la participation du premier président de la Cour de cassation, président de la formation, le Conseil estime que la désignation de M. K par le rapporteur n’a pas porté atteinte au principe d’impartialité de la formation disciplinaire ;

Attendu enfin que le moyen tiré de ce que le premier président de la cour d’appel de xxxxx a été nommé et installé en qualité de président de chambre à la Cour de cassation pour exercer les fonctions à la cour d’appel, n’est pas davantage opérant, le premier président de la cour d’appel de xxxxx n’exerçant aucune mission au sein de la Cour de cassation ;

Attendu, en troisième lieu, que Mme Perreux a désigné M. J avec pour mission de « s’assurer du bon déroulement » de l’opération de contrôle des dossiers physiques par M. K et « de veiller au respect des dispositions légales, notamment au regard du secret de l’instruction » ; que, d’une part, M. J n’a exercé aucun rôle actif au titre de la mission confiée à M. K, ainsi que l’établissent l’ordonnance de désignation et la lettre adressée par M. J au rapporteur en date du 18 février 2013, dans laquelle il précise avoir « veillé au respect des dispositions légales au regard notamment du secret de l’instruction » ; que, d’autre part, seul M. J, en sa qualité de président de la chambre de l’instruction, pouvait, de par ses fonctions, et en application de l’article 220 du code de procédure pénale, se voir confier cette mission ; que M. J, en sa qualité d’observateur, n’a participé à la rédaction d’aucun acte, se bornant à parapher les procès-verbaux de transport ; que la désignation de M. J ne contrevient pas davantage au principe d’impartialité ;

Attendu, enfin, qu’au regard du secret de l’instruction invoqué par Mme X, elle a eu la possibilité de s’exprimer pleinement au cours de l’audience, le Président de la formation ayant informé que l’accès de la salle d’audience pourrait être interdit au public, à la demande de Mme X, si elle estimait devoir, pour les besoins de sa défense, aborder des éléments de dossiers d’information judiciaire couverts par le secret de l’instruction ; que Mme X n’a pas demandé à user de cette faculté ; qu’en outre, l’expertise réalisée par M. K n’a pas porté sur le fond des procédures mais sur l’examen formel des dossiers d’information sans référence ni au contenu des actes réalisés ni aux qualités des mis en cause ou des parties civiles ;

Attendu en conséquence qu’il y a lieu de rejeter la demande d’annulation du rapport établi par le rapporteur, de même que de tous les actes subséquents ;

***

Sur le fond

Attendu qu’il est reproché à Mme X des insuffisances professionnelles en relation avec la gestion de son cabinet d’instruction ; que, selon le premier président de la cour d’appel de xxxxx, dans sa saisine du 9 mai 2012, Mme X, « en dépit de la diminution significative du nombre d’ouvertures au cours des années passées et des efforts entrepris pour résorber les difficultés périodiquement constatées depuis sa réinstallation dans les fonctions de magistrat instructeur le 30 septembre 2005, est dans l’incapacité de gérer efficacement un cabinet d’instruction » et que « sa situation personnelle difficile, liée à la charge d’un enfant handicapé, explique les démarches renouvelées pour lui permettre d’assainir la situation », mais qu’ « elle n’est pas parvenue à atteindre cet objectif alors que sa charge de travail était amplement amoindrie et qu’il est impossible d’envisager de la soumettre au rythme de saisine de ses collègues chargés d’un contentieux similaire sans compromettre le traitement de l’ensemble des dossiers de son cabinet » ;

Attendu qu’un premier rapport du 21 mai 2008, établi par Mme M, présidente de la chambre de l’instruction, élaboré à la suite du contrôle du cabinet de Mme X effectué les 12 novembre 2007 et 20 mai 2008 a fait état de procédures pour lesquelles aucun acte n’avait été réalisé depuis la reprise du cabinet par Mme X en octobre 2005 ou depuis le réquisitoire introductif ;

Attendu qu’un deuxième rapport du 22 mars 2011 de M. N, président de la chambre de l’instruction, faisant suite à la visite du cabinet de Mme X le 22 février 2011 et se référant à l’examen des notices pour la période du 1er avril 2010 au 30 septembre 2010, faisait état de 12 dossiers, sur 44 dossiers actifs en stock, dans lesquels aucun acte n’avait été effectué depuis plus de 6 mois, de 2 dossiers en état d’être réglés depuis près de 8 mois et d’un dossier pour lequel aucun acte n’avait été effectué depuis la reprise du cabinet en octobre 2005 ; que si, au jour de la visite, les statistiques 2010 étaient meilleures puisque sur 17 ouvertures, 16 dossiers avaient été sortis avec un stock actif de 40, il apparaissait que sur les 12 dossiers en souffrance, la situation n’avait pas sensiblement évolué, 18 dossiers au total ne faisant pas l’objet d’un traitement suffisant ;

Attendu qu’un troisième rapport du 15 mars 2012, établi par M. N, faisant suite à l’examen des notices de l’année 2011 et à une visite du cabinet du 14 février 2012, relevait un stock au 31 décembre 2011 en baisse par rapport à 2010 avec 31 dossiers actifs ; que toutefois, il faisait état d’un dossier ouvert en juin 1992 et repris par Mme X en octobre 2005 pour lequel aucune mise en examen n’était intervenue et qui posait la question du délai raisonnable, qualifiant ce dossier de « sinistre judiciaire majeur », et d’un dossier où, à défaut d’acte accompli entre octobre 2006 et octobre 2009, la prescription de l’action publique était acquise ;

Attendu en outre que la mission d’expertise réalisée par M. K a montré, sur la base des notices semestrielles à partir du mois de mars 2010 que sur 95 dossiers d’information étudiés, 45 faisaient l’objet d’observations, de la part de l’expert, quant au délai de plus de 6 mois écoulés entre deux actes d’instruction, 32 de ces dossiers connaissaient un délai entre deux actes d’au moins un an, sans que la complexité du dossier et le nombre de personnes concernées puissent constituer un facteur d’explication ;

Attendu que ces retards doivent être rapportés au nombre de saisines du cabinet de Mme X ;

Attendu qu’il résulte des auditions de M. O et de Mme H, ayant exercé les fonctions de premier vice-président en charge du service pénal, que Mme X avait bénéficié, dans la durée, de leur soutien caractérisé par un nombre de saisines inférieur à celui de ses collègues travaillant comme elle au service de la délinquance astucieuse ;

Attendu que Mme X a formellement contesté avoir été saisie de dossiers plus faciles que ses collègues et de même, d’avoir bénéficié de moins de saisines, expliquant que son cabinet, qui subissait une situation anormale avec 66 dossiers actifs en 2005, avait vu sa situation s’aggraver avec 47 nouveaux dossiers en 2006 ;

Attendu toutefois, que Mme P, présidente du tribunal de grande instance de xxxxx, a confirmé au rapporteur que « l’allégement s’est concrétisé par une diminution du nombre de saisines mais également par des saisines dans des dossiers plus simples », précisant avoir donné des instructions en ce sens à Mme H ; que, selon Mme P, Mme X « a notamment été saisie de constitutions de parties civiles qui pour beaucoup donnent lieu à des réquisitions de non-informer ou de non-lieu et qui demandent donc un moindre investissement » ; qu’enfin, selon Mme P, Mme X, contrairement à ses collègues, ne participait pas au service des assises, qui constitue une charge importante pour les juges d’instruction ;

Attendu que les constatations réalisées par M. K montrent que si le cabinet de Mme X avait reçu 47 nouveaux dossiers en 2006, ce nombre était passé à 21 en 2007, 13 en 2008, 20 en 2009, 17 en 2010 et 16 en 2011 ; que Mme H a précisé avoir « poursuivi la politique de désignations initiée par M. O. Ainsi, pour toute l’année 2012, 11 dossiers lui ont été confiés contre 16 en 2011 et 17 en 2010 » ;

Attendu enfin qu’il résulte de l’audition de Mme P que si la situation du cabinet de Mme X s’était sensiblement améliorée en 2010 et 2011, notamment au regard des dossiers de plus de deux ans, une nouvelle aggravation de la situation devait être déplorée en 2013, puisqu’à la date d’avril 2013, le cabinet de Mme X comportait 52 dossiers dont 37 de plus de deux ans soit 71 % ; qu’un rapport du 14 juin 2013 de Mme Q, présidente de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de xxxxx, faisait état de dossiers d’instruction en souffrance au cabinet de Mme X, s’agissant notamment de 10 dossiers réglés par le parquet depuis de nombreux mois, en attente de l’ordonnance de règlement du juge d’instruction mettant fin à l’information ;

Attendu que, sur le rapport établi par Mme Q, Mme X a reconnu que certaines ordonnances de règlement avaient tardé, expliquant cette situation par le fait qu’elle se trouvait en 2013 en situation personnelle difficile ;

Attendu qu’un magistrat instructeur doit, dans la mesure de sa charge de travail résultant notamment du nombre et de la difficulté des procédures dont il est saisi ainsi que d’autres attributions qui lui sont confiées au titre de ses fonctions, veiller à traiter les dossiers d’information avec une diligence exclusive de retards injustifiés ;

Attendu que Mme X a fait l’objet d’observations et de mise en garde sur la gestion de son cabinet ; qu’ainsi, Mme M a notamment indiqué avoir eu un premier entretien avec Mme X le 12 novembre 2007, à l’issue d’une réunion organisée au pôle financier avec les juges d’instruction ; qu’elle explique n’avoir fait, « à l’occasion de ce premier entretien, que des observations orales basées sur ses notices » et que « Mme X s’(était) montrée virulente voire agressive pour contester les observations et mettre en avant, dès le départ, ses difficultés personnelles dues à un divorce difficile et à la prise en charge d’un fils adolescent handicapé » ; qu’il résulte d’un rapport du 28 avril 2011 du président du tribunal de grande instance de xxxxx au premier président de la cour d’appel de xxxxx que « Mme X à laquelle j’ai rappelé ses obligations, a pris l’engagement d’apurer la situation de son cabinet avant la fin du second trimestre 2011, étant observé que depuis mars 2011, Madame H, premier vice-président en charge du service pénal, suit très précisément l’évolution du cabinet de ce magistrat » ; que, dans un rapport du 22 mars 2011, M. N, président de la chambre de l’instruction, indiquait qu’ « il me semble que Mme X n’a pas été en mesure d’assurer la gestion globale de son cabinet de façon acceptable malgré des mises en garde (par les présidents de chambre de l’instruction) et également l’aide qui lui a été apportée par le président de la juridiction » ;

Attendu qu’en dépit de mesures d’allègement de son service et de ces observations ou mises en garde, le cabinet d’instruction dont a la charge Mme X a connu des retards chroniques et récurrents, entraînant notamment, pour une procédure d’information judiciaire, la prescription de l’action publique ; que malgré une amélioration en 2010 et 2011, la situation s’est de nouveau aggravée en 2013, alors même qu’avait été engagée une procédure disciplinaire ;

Attendu que la réalité du grief est établie ; qu’il caractérise un manquement au devoir de délicatesse incombant à tout magistrat à l’égard des justiciables, de même qu’au devoir d’accomplir sa mission avec diligence ;

Attendu qu’il y a lieu, pour le prononcé de la sanction, de tenir compte de ce que la qualité du travail de Mme X n’a jamais été mise en cause et du fait qu’elle vit une situation personnelle difficile liée à la charge d’un enfant handicapé ;

Attendu en conséquence qu’il y a lieu de prononcer à l’encontre de Mme X, la sanction de blâme avec inscription au dossier.

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PAR CES MOTIFS,

Le Conseil, après en avoir délibéré à huis clos ;

Statuant en audience publique le 26 février 2014 pour les débats et le 27 mars 2014 par mise à disposition de la décision au secrétariat général du Conseil supérieur de la magistrature ;

Rejette l’ensemble des moyens tendant à la nullité des actes de la procédure engagée, le premier président de la Cour de cassation, président de la formation, n’ayant pas participé à la délibération sur le moyen tiré de la désignation de M. K par le rapporteur ;

Prononce à l’encontre de Mme X la sanction de blâme avec inscription au dossier, prévue à l’article 45 1° de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de xxxxx.