Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées à l’encontre de Mme X , vice-présidente au tribunal de grande instance xxxx, sous la présidence de M. Jean-François Weber, président de chambre honoraire de la Cour de cassation en remplacement de M. le premier président de la cour de cassation empêché, (…)
Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94 -199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu l’interdiction temporaire d’exercer les fonctions de vice-président prononcée le 19 février 2010 ;
Vu la dépêche du garde des Sceaux, ministre d’Etat, ministre de la justice et des libertés, en date du 16 mars 2010, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de Mme X , vice-président au tribunal de grande instance xxxx ;
Vu l’ordonnance du 22 mars 2010, désignant Mme Gracieuse Lacoste en qualité de rapporteur ;
Vu l’article 57 de l’ordonnance précitée du 22 décembre 1958, modifié par l’article 19 de la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu le rapport de Mme Gracieuse Lacoste du 1er décembre 2010 dont Mme X a reçu copie ;
Vu le rappel, par M. le président, des termes de l’article 57 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée, selon lesquels “l’audience est publique. Toutefois, si la protection de l’ordre public ou de la vie privée l’exigent, ou s’il existe des circonstances spéciales de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice, l’accès de la salle d’audience peut être interdit au public pendant la totalité ou une partie de l’audience, au besoin d’office, par le Conseil de discipline” ;
Vu l’absence de demande spécifique de Mme X , conduisant à tenir l’audience à huis clos ;
Vu la lecture du rapport par Mme Gracieuse Lacoste ;
Vu les auditions des témoins :
- Mme C,
- M. D,
- M. E,
- Mme F ;
Vu les observations de M.Tarabeux adjoint à la directrice des services judiciaires, qui a demandé de prononcer, à l’encontre de Mme X , la sanction d'admission à cesser ses fonctions visée à l'article 45-6° de l'ordonnance précitée ;
Vu les explications et moyens de défense de Mme X qui a eu la parole en dernier ;
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Attendu que le garde des Sceaux a saisi le Premier président de la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière de discipline des magistrats du siège, d'une poursuite disciplinaire contre Mme X pour avoir manqué au devoir de dignité qui s’impose à tout magistrat en présentant “à trois reprises au cours de l’année 2009 , à raison d’une consommation excessive d’alcool pour laquelle elle a déjà été sanctionnée dans le passé, un comportement déréglé portant atteinte à l’image et au crédit de l’institution judiciaire et perturbant son fonctionnement” ;
Attendu qu’aux termes de la dénonciation susvisée, est reprochée à Mme X une série de faits survenus, le 4 décembre 2009 sur la voie publique et, les 27 janvier et 24 novembre 2009, au palais de justice xxxx ;
Attendu que Mme X a été condamnée le 3 mai 2010, pour ces faits du 4 décembre 2009, par un jugement définitif du tribunal correctionnel de Paris, à une peine d’amende de 1500 euros et à une suspension de permis de conduire pendant 18 mois ;
Attendu que la réalité des incidents du 27 janvier et du 24 novembre 2009, mentionnés par l’acte de saisine, ne sont pas contestés par Mme X ; qu’il est établi qu’ils ont eu lieu à l’occasion d’audiences pénales du tribunal correctionnel xxxx, présidées par cette dernière et qu’ils sont liés à l’absorption d’alcool ; que Mme X était incapable d’assurer son service ; que ces faits répétés ont eu pour témoins des magistrats, des fonctionnaires du greffe, des auxiliaires de justice, et des justiciables ;
Attendu que Mme X expose que son addiction, remontant à 1995, est maladive et consécutive à des difficultés familiales; qu’elle alterne des périodes d’abstinence et des rechutes ; que malgré les prises en charges médicale et psychologique, son isolement personnel, une situation professionnelle de stress et de surcharge expliquent sa dernière rechute ; que pendant les périodes d’abstinence elle assure normalement son service ;
Attendu que l’expert désigné par le rapporteur conclut notamment “à un alcoolisme chronique évoluant depuis une quinzaine d’années...Un état dépressif est associé à cette alcoolo-dépendance. Les faits retenus dans la poursuite sont en relation avec de tels troubles...Il est à considérer qu’au moment des faits elle ne présentait pas de pathologie mentale rentrant dans le cadre de l’article 122-1 alinéa 1 ou alinéa 2 du code pénal. Il est impératif qu’elle poursuive des soins. Il y a risque de rechute.” ;
Attendu que, malgré de nombreuses hospitalisations, plusieurs cures de désintoxication, un suivi médical régulier dont il est justifié, Mme X , sanctionnée d'un abaissement d’échelon et du déplacement d’office par une précédente décision disciplinaire en date du 30 mars 2006, ne s’est pas départie de son appétence à l’alcool; qu’il en est résulté, outre une condamnation pénale, des perturbations dans le fonctionnement de son service juridictionnel portant atteinte à l’autorité de la justice ;
Attendu que ce comportement constitue un manquement au devoir de dignité de l’état de magistrat ; qu’il nuit à l’image de l’institution judiciaire et au respect qu’elle doit inspirer aux justiciables ;
Attendu que Mme X est devenue membre du corps judiciaire le 1er février 1979 ; que, dès lors, elle a acquis des droits à une pension de retraite lui permettant de la percevoir lorsqu'elle aura atteint l'âge requis ;
Qu'en conséquence, au regard des faits établis, de la date d’entrée de Mme X dans la magistrature et de son âge, il convient de prononcer la sanction de mise à la retraite d'office prévue à l'article 45 alinéa 6 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958.
PAR CES MOTIFS
Le Conseil, après en avoir délibéré à huis clos,
Statuant, en audience publique, le 17 janvier 2011 pour les débats et, le 20 janvier 2011, date à laquelle la décision a été rendue par mise à disposition au secrétariat de la Première Présidence de la Cour de cassation,
Prononce la mise à la retraite d'office de Mme X , prévue par l’article 45-6° de l’ordonnance susvisée du 22 décembre 1958.