Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
09/03/2007
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des auxiliaires de justice, Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des justiciables, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Instruction
Vie privée (relations intimes)
Actes sexuels
Presse
Déclaration
Retentissement médiatique
Image de la justice
Délicatesse
Auxiliaire de justice
Justiciable
Probité
Abus des fonctions
Dignité
Honneur
Institution judiciaire (confiance)
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Juge d'instruction
Fonction
juge d'instruction
Résumé
Juge d’instruction ayant eu des relations sexuelles dans son cabinet avec différentes femmes, dont certaines liées à des procédures en cours, et ayant fait des révélations concernant ces agissements à un journaliste
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation ;

Vu l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 ;

Vu l’article 18 alinéa 3 de la loi organique 94-100 du 5 février 1994 modifiée sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 26 février 2007, demandant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège, d’interdire temporairement à M. X, juge d’instruction au tribunal de grande instance de …, l’exercice de ses fonctions ;

Vu les avis du premier président de la cour d’appel de … du 16 février 2007 et du président du tribunal de grande instance de … du 14 février 2007 exposant que, dans l’intérêt du service, il est nécessaire de prendre une telle mesure ;

Vu les pièces d’où il résulte :
1 - que M. X a pris connaissance le 1er mars 2007 des termes de la saisine par M. le garde des sceaux, ministre de la justice, du Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline ;
2 - que M. X a pris connaissance de la dépêche du président du conseil de discipline des magistrats du siège en date du 2 mars 2007, l’informant que le conseil se réunirait le 8 mars 2007 à 9 heures à la Cour de cassation pour statuer sur la demande d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions ; que M. X a adressé, le 5 mars 2007, une note en télécopie au premier président de la Cour de cassation demandant le report de la date d’audience et, subsidiairement, soulignant que les deux faits isolés et espacés de près d’un an ne seraient pas d’une évidence incontestable ou scandaleuse d’ores et déjà prouvée et que ni l’urgence ni l’intérêt du service ne justifiaient la mesure sollicitée ;

Après avoir entendu, le 8 mars 2007 à 9 heures,
- M. Léonard Bernard de la Gatinais, directeur des services judiciaires, assisté de Mme Florence Butin, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice,
- M. X qui nonobstant son courrier du 5 mars 2007 s’est présenté, a été entendu en ses explications et qui a eu la parole le dernier ;

Attendu que le 2 février 2007, le greffier de M. X, doyen des juges d’instruction de …, a informé le président du tribunal de sa situation qui serait devenue insupportable en raison des agissements du magistrat qui recevait à son cabinet pendant les heures de travail, des personnes du sexe féminin dans des circonstances ne laissant aucun doute sur la nature des activités auxquelles il se livrait ; qu’au cours d’une enquête administrative demandée par le premier président, M. X a reconnu avoir eu une relation sexuelle le 29 janvier 2007 dans son bureau, avec Mme … qui, antérieurement, était venue solliciter un permis de visite concernant une personne détenue dans le cadre d’une procédure ouverte dans un autre cabinet d’instruction ; que celle-ci confirmait le propos du magistrat qui précisait qu’il entretenait avec elle une relation amoureuse ; qu’il admettait en outre avoir obtenu, dans son bureau en avril-mai 2006, une fellation d’une dame dont il voulait taire l’identité ;

Attendu que pendant le déroulement de cette enquête administrative, M. X se confiait à M. …, chroniqueur au « Journal de … », qui publiait les 14 et 17 février 2007 divers articles dont notamment un article en première page intitulé « Tribunal de …, le palais du sexe » ; que ces informations, reprises par « le Quotidien de … », détaillaient les déclarations du magistrat sur ces actes dans des termes d’une rare vulgarité ;

Attendu que réentendu par le président du tribunal à la suite de ces publications, le magistrat expliquait qu’il avait voulu rétablir l’exactitude des faits, estimant que ces articles comportaient des erreurs ;

Attendu que la publicité délibérément donnée par un magistrat à des agissements accomplis dans son cabinet d’instruction et dont il ne pouvait ignorer qu’ils étaient de nature à porter une grave atteinte à la fonction de juge d’instruction et au crédit de la justice, caractérise l’urgence à prendre, dans l’intérêt du service, une mesure d’interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions ;

Par ces motifs,

Interdit temporairement à M. X l’exercice des fonctions de juge d’instruction au tribunal de grande instance de … jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;

Dit que cette interdiction cessera de plein droit de produire ses effets si, à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, le garde des sceaux n’a pas saisi le Conseil supérieur de la magistrature dans les conditions prévues à l’article 50-1 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de … ;

Prononcé le 9 mars 2007 par le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège […].