Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
18/01/2006
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Alcool
Retard
Absence
Incident
Troubles du comportement
Organisation du service
Image de la justice
Etat de magistrat
Fonctions
Probité
Dignité
Institution judiciaire (confiance)
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Vice-président de tribunal de grande instance
Fonction
Vice-président de tribunal de grande instance
Résumé
Dépendance alcoolique d’un magistrat provoquant de graves désordres dans le fonctionnement du tribunal, liés à son comportement et ses absences inopinées, et ne permettant de lui confier aucune tache
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège et siégeant à la Cour de cassation ;

Vu les articles 50, 50-2 et 51 alinéa 3 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, modifiée notamment par les lois organiques n° 92-189 du 25 février 1992 et n° 2001-539 du 25 juin 2001 ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la lettre adressée le 16 novembre 2005 au Conseil supérieur de la magistrature par le premier président de la cour d’appel de …, lui dénonçant les faits motivant des poursuites disciplinaires contre Mme X, vice-président au tribunal de grande instance de …, ainsi que les pièces jointes à cette lettre ;

Vu les lettres du 9 décembre 2005 du premier président de la cour d’appel de … et du président du tribunal de grande instance de … ;

Vu la convocation notifiée à Mme X, le 14 décembre 2005, l’informant que le Conseil supérieur de la magistrature se réunirait le 11 janvier 2006, à 10 heures, en vue d’une éventuelle application de l’article 51, alinéa 3, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 et l’invitant à se présenter à cette séance pour y présenter sa défense ;

Vu la lettre du 3 janvier 2006 par laquelle Mme X a désigné M. …, conseiller à la Cour de cassation, pour l’assister à cette séance ;

Vu la communication de la procédure à Mme X et à son avocat ;

Après avoir entendu, le 11 janvier 2006, à 10 heures :
- M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires, assisté de Mme Florence Butin, magistrate à l’administration centrale du ministère de la justice,
- M. …, assistant Mme X, laquelle a été entendue en ses explications et a eu la parole en dernier ;

Attendu que le 16 novembre 2005, conformément aux dispositions de l’article 50-2 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le premier président de la cour d’appel de … a dénoncé au Conseil supérieur de la magistrature des faits motivant des poursuites disciplinaires contre Mme X sous la qualification de comportement constitutif de manquements aux devoirs de son état de magistrat et à la dignité qui y est attachée ; qu’à l’appui de cette qualification, le premier président relève que, malgré de nombreuses hospitalisations, plusieurs cures de désintoxication, un suivi médical qui paraît régulier et une participation aux activités de l’association « Alcooliques anonymes », en dépit du soutien de collègues et du président de son tribunal, Mme X n’a pas démontré sa capacité à se débarrasser de son appétence alcoolique ; que nonobstant plusieurs mises en garde solennelles, un avertissement et une condamnation pénale, l’intéressée a été à l’origine d’incidents répétés liés à sa dépendance à l’alcool, qui ont eu pour témoins des magistrats, des fonctionnaires du greffe, des policiers, des auxiliaires de justice et des justiciables ; que son travail s’en est trouvé profondément affecté et des retards dommageables en sont résultés et que sa conduite est telle qu’aucun service d’aucune sorte ne peut plus aujourd’hui lui être confié ;

Que le président du tribunal de grande instance de … estime que Mme X se trouve manifestement dans l’incapacité d’exercer correctement ses tâches ;

Attendu qu’aux termes de l’article 51, alinéa 3, de l’ordonnance du 22 décembre 1958, le Conseil supérieur de la magistrature peut interdire au magistrat incriminé, l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive ;

Attendu qu’il résulte de la dénonciation du premier président de la cour d’appel de … et du rapport du président du tribunal de grande instance de … qu’en raison des troubles psychologiques et de l’addiction dont elle est atteinte, Mme X n’est plus en mesure d’exercer ses fonctions ; qu’elle provoque, par ses absences inopinées et son comportement, de graves désordres dans le fonctionnement du tribunal de grande instance de … ; qu’en raison de l’urgence résultant de cette situation, l’intérêt du service commande que soit interdit à l’intéressée l’exercice de ses fonctions jusqu’à décision définitive sur les poursuites disciplinaires engagées contre elle ;

Par ces motifs,

Interdit temporairement à Mme X l’exercice de ses fonctions de vice-président au tribunal de grande instance de … jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires ;

Dit que copie de la présente décision sera adressée au premier président de la cour d’appel de … ;

Prononcé le l8 janvier 2006 par le Conseil supérieur de la magistrature réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège […].