Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
27/09/2005
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (devoir de respecter les exigences des bonnes mœurs), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice), Manquement au devoir de probité (devoir de maintenir la confiance du justiciable envers l’institution judiciaire)
Décision
Non-lieu à sanction
Mots-clés
Exhibition sexuelle
Masturbation
Etat psychiatrique
Expertise psychiatrique
Discernement (abolition)
Retentissement médiatique
Image de la justice
Probité
Bonnes mœurs
Dignité
Honneur
Institution judiciaire (confiance)
Non-lieu à sanction
Juge
Fonction
Juge au tribunal de grande instance
Résumé
Exhibitionnisme sexuel pendant une audience
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, pour statuer sur les poursuites disciplinaires engagées par M. le garde des sceaux, ministre de la justice, contre M. X, juge au tribunal de grande instance de V, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation ;

Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature, modifiée par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994, relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la décision du Conseil du 26 novembre 2003, prononçant à l’encontre de M. X une interdiction temporaire d’exercice de ses fonctions ;

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 23 janvier 2004, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X ;

Vu la demande orale présentée par le magistrat poursuivi à l’ouverture de la séance du Conseil soutenant que la protection de sa vie privée exigeait que l’accès de la salle d’audience fût interdit au public et la décision du Conseil qui, après en avoir délibéré, a estimé que ni la protection de l’ordre public, ni celle de la vie privée, ni aucune circonstance spéciale de nature à porter atteinte au crédit de la justice ne justifiait une telle exception au principe de publicité de l’audience ;

Après avoir successivement entendu M. Patrice Davost, directeur des services judiciaires, M. Roger Beauvois, désigné par ordonnance du 26 janvier 2004, donner lecture intégrale de son rapport dont M. X a reçu copie le 25 juin 2005, et M. X, qui a eu la parole en dernier, en ses explications et moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés ;

Attendu que le 15 octobre 2003, plusieurs témoins ont vu M. X se masturber au cours d’une audience du tribunal de grande instance de V où il siégeait en qualité d’assesseur ; qu’à la suite de l’enquête immédiatement ordonnée, il a, le 16 octobre 2003, été mis en examen pour infraction d’exhibition sexuelle par le juge d’instruction de V ; que sur la proposition du garde des sceaux, ministre de la justice, le Conseil a, par décision du 26 novembre 2003, interdit temporairement à ce magistrat l’exercice de ses fonctions jusqu’à ce qu’intervienne une décision définitive sur les poursuites disciplinaires qui seraient engagées contre lui ;

Attendu que par dépêche du 23 janvier 2004, le garde des sceaux, ministre de la justice, a dénoncé au Conseil les faits ci-dessus décrits, non contestés par l’intéressé, en exposant que, par leur nature, ils constituent des manquements à l’honneur, à la dignité et aux bonnes mœurs, qu’ayant au cours de l’enquête exprimé la volonté manifeste de se soustraire à ses responsabilités, M. X avait, en outre, manqué à la délicatesse attendue d’un magistrat reconnu apte à occuper ses fonctions en dépit d’évidentes difficultés personnelles et qu’enfin, par l’émoi légitime qu’ils ont provoqué et par leur retentissement médiatique, ces agissements avaient gravement porté atteinte à la crédibilité de l’institution judiciaire et à la confiance que le public doit pouvoir lui accorder ;

Attendu que l’expertise psychiatrique ordonnée par le juge d’instruction a révélé que M. X était, au moment des faits ci-dessus exposés, atteint d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement et le contrôle de ses actes ; que le même avis a été repris par les experts nommés pour pratiquer une contre-expertise ;

Attendu qu’en considération de l’avis des experts, le juge d’instruction a, par une ordonnance du 12 janvier 2005, dit n’y avoir lieu à suivre l’instruction ouverte contre M. X ;

Attendu que le 19 mars 2004, M. X a été placé en congé de longue durée ; que par décision du 3 mai 2005, le comité médical départemental de W a émis un avis favorable à la prolongation dudit congé à compter du 15 janvier 2005 pour une nouvelle période de six mois, avec reprise de ses fonctions à mi-temps thérapeutique pendant trois mois à compter du 15 juillet, sur un poste adapté à ses possibilités ; que le 24 mai 2005, le ministre de la justice a demandé au comité médical supérieur de procéder à une nouvelle appréciation de l’aptitude de M. X à reprendre ses fonctions ;

Attendu que l’absence de discernement et de contrôle de ses actes s’opposent à ce qu’une faute disciplinaire soit imputée à M. X et que, par conséquent, soit prononcée à son encontre une sanction disciplinaire ;

Par ces motifs,

Statuant en audience publique le 21 septembre 2005, pour les débats et le 27 septembre 2005, date à laquelle la décision a été rendue ;

Dit n’y avoir lieu au prononcé d’une sanction disciplinaire à l’encontre de M. X.