Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni à la Cour de cassation comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence de M. Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation ;
Statuant à huis clos, conformément aux dispositions de l’article 57 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, les 18 janvier 2001, pour les débats, et 8 février 2001, date à laquelle la décision a été rendue ;
Vu les articles 43 à 58 modifiés de ladite ordonnance ;
Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 29 juin 2000 dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, juge au tribunal de grande instance de V, ainsi que les pièces jointes ;
M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, ayant été entendu ;
Mme Marie-Claude Bérenger ayant été dispensée de la lecture du rapport dont copie a été adressée à M. X ;
M. X, qui n’a pas souhaité être assisté, ayant fourni ses explications et moyens de défense sur les faits reprochés et ayant eu la parole en dernier ;
Attendu qu’il résulte des documents joints à la requête de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, et notamment des rapports du premier président de la cour d’appel de W du 12 novembre 1999 et du président du tribunal de grande instance de V du 23 septembre 1999, que, depuis sa prise de fonctions en qualité de juge aux affaires matrimoniales audit tribunal, au mois de juillet 1996, et en dépit des mises en garde réitérées puis de l’avertissement qui lui ont été donnés, de l’aide ponctuelle et répétée de ses collèges, de décharges partielles ou temporaires de service, M. X a accumulé d’importants retards dans le jugement des affaires soumises à sa juridiction, en ne rendant pas les décisions dans des délais admissibles, en prorogeant les délibérés sans en prévenir les parties, en formalisant avec retard les décisions rendues et en rouvrant les débats dans des dossiers plusieurs mois après la date fixée pour prononcer le jugement ;
Attendu que, sans contester les nombreux états statistiques produits, révélateurs de reports importants dans le prononcé des décisions, M. X fait observer que le service des affaires familiales dont il avait la charge était anormalement lourd, qu’animé de la volonté d’examiner les dossiers en profondeur, il n’a pu se plier à un rythme de traitement trop soutenu et que les retards qui lui sont reprochés n’ont augmenté ni le nombre des affaires en instance ni les délais moyens de jugement ;
Mais attendu que les rapports et pièces susvisés font apparaître que les carences persistantes relevées procèdent d’un manque d’esprit de synthèse et de décision, d’un défaut de rigueur dans l’organisation de son travail et d’une mauvaise appréciation de ses responsabilités rendant M. X insensible aux reproches répétés de ses chefs et collègues comme aux difficultés provoquées par son attitude tant pour les justiciables que dans l’organisation du tribunal, qu’ayant porté atteinte au crédit de la justice dans le ressort de la juridiction, un tel comportement caractérise un manquement aux devoirs de l’état de magistrat ;
Et attendu que la faute disciplinaire ainsi caractérisée doit être sanctionnée par le déplacement d’office ;
Par ces motifs,
Prononce à l’encontre de M. X le déplacement d’office prévu par l’article 45, 2°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958.