Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège
Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation ;
Vu l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature modifié par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992 ;
Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 16 avril 1999, proposant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline, d’interdire temporairement l’exercice de ses fonctions à M. X, conseiller à la cour d’appel de V ;
Vu l’avis du premier président de la cour d’appel de V ;
Après avoir entendu M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, assisté de M. Yannick Pressensé, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;
Après avoir entendu Me Descamps, avocat au barreau de Lille, assistant M. X, ce dernier ayant présenté ses explications et moyens de défense et ayant eu la parole en dernier ;
Attendu, selon les premiers éléments d’une enquête de l’inspection des services judiciaires, que M. X, conseiller à la cour d’appel de V, s’est lié d’amitié en 1984 avec M. Y, professionnel de l’immobilier, que dix ans plus tôt et alors qu’il était juge d’instruction, il avait inculpé de détournement de gage ; qu’entre le 27 janvier 1993 et le 16 septembre 1997, il a obtenu de lui, vraisemblablement à douze reprises, des remises de 10 000 francs par chèques ; qu’aucun écrit n’avait été rédigé, aucun délai de remboursement et taux d’intérêt convenus et que M. X prétendait même initialement n’avoir reçu que 50 000 francs ;
Attendu que deux de ces sommes avaient été versées, la première, le 26 décembre 1996 en cours du délibéré d’une affaire soumise à la chambre pénale de la cour d’appel de V dans laquelle siégeait M. X et qui concernait un ami de M. Y que le magistrat connaissait et, la seconde, le 12 septembre 1997, le lendemain d’une levée de garde à vue de M. Y, mesure au cours de laquelle le magistrat s’était manifesté auprès des enquêteurs pour connaître le sort qui serait réservé à son ami ;
Attendu que M. X a aussi conseillé M. Y, notamment à deux reprises en novembre et décembre 1998, alors que celui-ci avait été informé qu’il allait être interrogé par la police judiciaire dans une affaire qui devait aboutir à sa mise en examen des chefs d’escroqueries en bande organisée et de blanchiment ;
Attendu que ces interventions sont connues de magistrats, d’avocats et de fonctionnaires tant à W, où se déroulent les procédures pénales, qu’à V ; qu’un article de presse a déjà évoqué les relations que M. Y entretenait avec un magistrat de V, bénéficiaire de plusieurs chèques ;
Attendu que le premier président de la cour d’appel de V a émis l’avis qu’il soit interdit temporairement à M. X d’exercer ses fonctions ;
Attendu qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il y a urgence à interdire provisoirement à M. X d’exercer ses fonctions ;
Par ces motifs,
Vu l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifié par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992,
Interdit temporairement à M. X l’exercice de ses fonctions.