Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
26/03/1999
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (devoir de respecter les exigences des bonnes mœurs), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Décision
Abaissement d'échelon
Mots-clés
Atteinte sexuelle
Mineur
Image de la justice
Probité
Bonnes mœurs
Dignité
Honneur
Abaissement d'échelon
Juge tutélaire
Magistrat détaché auprès de la Principauté de Monaco
Fonction
Juge tutélaire chargé des affaires de mineurs (magistrat détaché auprès de la Principauté de Monaco)
Résumé
Attouchements pratiqués sur une mineure en stage au tribunal

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation ;

En audience publique, conformément aux dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne du 4 novembre 1950, de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu les articles 43 à 58 modifiés de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu les articles 18 et 19 de la loi organique n° 94-100 du 5 février 1994 sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 40 à 44 du décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, du 22 mai 1998, dénonçant au Conseil les faits motivant des poursuites disciplinaires à l’encontre de M. X, juge au tribunal de grande instance de V, ainsi que les pièces jointes à cette dépêche ;

Sur le rapport de Mme Marie-Claude Berenger, désignée par ordonnance du 26 juin 998, dont M. X a reçu copie, et de la lecture duquel il a dispensé le rapporteur ;

Après avoir entendu M. Bernard de Gouttes, directeur des services judiciaires, assisté de Mme Isabelle Douillet, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;

Après avoir entendu M. X, assisté de M. le bâtonnier Fouche, du barreau d’Évreux, en ses explications et moyens de défense, M. X ayant eu la parole en dernier ;

Attendu que M. X, magistrat détaché afin d’exercer des fonctions judiciaires dans la Principauté de Monaco, reçut le 12 juin 1997, en qualité de juge tutélaire chargé des affaires de mineurs, trois élèves de quatrième d’un collège de cette ville en stage d’information ; qu’il invita l’une d’elles, Y, née le 17 octobre 1982, qui devait présenter un mémoire sur les droits de l’enfant, à revenir le voir pour compléter sa documentation ; que deux autres visites eurent lieu le 27 février et le 4 mars 1997 ; que M. X reconnaît, après l’avoir nié, qu’au cours de la deuxième rencontre il avait caressé les cheveux de la jeune fille, l’avait embrassée au coin de la bouche et avait posé la main sur sa poitrine ; qu’il affirme avoir été trompé sur l’âge de Mlle Y en raison de sa taille (1 m 80) et de son apparence ;

Attendu que cette dernière circonstance et l’absence de plainte de la part du père de l’adolescente ont motivé le classement de la procédure pénale ouverte à Monaco ; que, par décision en date du 17 octobre 1997, la cour de révision de la Principauté, statuant en formation disciplinaire, a prononcé à l’encontre de M. X une suspension d’une durée de trois mois et émis le vœu qu’il soit rapidement donné satisfaction à la demande de réaffectation en France de ce magistrat ; que cette décision a été notifiée pour exécution à M. X le 15 novembre 1997 ; que le 17 novembre, il était installé dans ses nouvelles fonctions de juge au tribunal de grande instance de V, auxquelles il avait été nommé par décret du 6 novembre ;

Attendu qu’en vertu de l’article 5 du décret 73-321 du 15 mars 1973, la sanction prononcée par la cour de révision de la Principauté de Monaco ne fait pas obstacle à l’exercice de l’action disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature statuant en application de l’article 48 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ;

Attendu que les faits reconnus par M. X ont été commis dans son bureau de juge alors qu’il assurait en qualité de magistrat un rôle d’information sur les fonctions judiciaires ; que ces faits ont entraîné pour Mlle Y un trouble dont ses proches ont porté témoignage et que cette situation s’est trouvée aggravée par les dénégations initiales de M. X qui ont contraint la jeune fille à se soumettre à une enquête judiciaire éprouvante pour elle ;

Attendu que ces faits ont porté gravement atteinte à l’image de la justice ; que par son comportement incompatible avec l’exercice de fonctions qui le mettaient en relation avec des mineurs, M. X a manqué à l’honneur et à la dignité ;

Par ces motifs,

Prononce à son encontre la sanction d’abaissement d’échelon prévu par l’article 45, 4°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958.