Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
22/01/1998
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de délicatesse à l’égard des collègues, Manquement au devoir de probité (devoir de ne pas abuser de ses fonctions)
Décision
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Mots-clés
Chef de juridiction
Tutelles
Emancipation
Mineur
Intervention
Faux (allégations)
Négligence
Délicatesse
Collègue
Probité
Abus des fonctions
Interdiction temporaire de l'exercice des fonctions
Vice-président chargé d'un tribunal d'instance
Fonction
Vice-président chargé d'un tribunal d'instance
Résumé
Obtention par le juge directeur d’un tribunal d’instance d’une décision du juge des tutelles de ce tribunal prononçant l’émancipation de son fils sur la base de fausses allégations qu’il n’avait pas sérieusement vérifiées
Décision(s) associée(s)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, et siégeant à la Cour de cassation, sous la présidence de M. Pierre Truche, premier président de la Cour de cassation,

Vu l’article 50 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature modifié par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992,

Vu la dépêche du garde des sceaux, ministre de la justice, du 2 janvier 1998, proposant au Conseil supérieur de la magistrature, statuant comme conseil de discipline, d’interdire temporairement à Mme X, vice-président au tribunal de grande instance de V, chargé du service du tribunal d’instance de W, l’exercice de ses fonctions ;

Vu les avis du premier président de la cour d’appel de Y, et du président du tribunal de grande instance de V ;

Après avoir entendu M. Philippe Ingall-Montagnier, directeur des services judiciaires, assisté de Mlle Isabelle Douillet, magistrat à l’administration centrale du ministère de la justice ;

Après avoir entendu successivement Me Gérard Gouzez, avocat à la cour, bâtonnier de l’ordre des avocats auprès du tribunal de grande instance de Marmande, Me Patrick Rizzo, avocat au barreau de Nice, Mme Christine Peyrache, juge de l’application des peines au tribunal de grande instance d’Évry, assistants Mme X, cette dernière ayant présenté ses explications et moyens de défense et ayant eu la parole en dernier ;

Attendu qu’il résulte d’un jugement du tribunal de grande instance de Z en date du 12 décembre 1997 que Mme X, vice-président du tribunal d’instance de V, a obtenu une ordonnance en date du 6 janvier 1997 du juge des tutelles de son tribunal prononçant l’émancipation de son fils Alexandre, né le 21 décembre 1980, en déclarant que celui-ci « quitte régulièrement le territoire national pour l’étranger, qu’il est pilote de ligne à raison de cinquante-cinq heures par mois et le reste du temps qu’il s’occupe de chevaux, s’occupant de deux écuries, qu’il gère lui-même ses comptes », alors que ces affirmations étaient entièrement fausses ;

Attendu que Mme X soutient avoir été elle-même abusée par son fils sur sa situation professionnelle et financière mais, qu’à supposer plausible une telle crédulité à l’égard d’un enfant vivant sous son toit, il faut observer qu’elle n’a pas hésité à fonder sa requête en émancipation et sa déposition devant un juge du tribunal dont elle avait l’administration sur de telles allégations difficilement croyables, sans effectuer une vérification sérieuse ;

Attendu que ce comportement est connu tant des magistrats que de fonctionnaires et d’avocats ce qui, comme l’observe le président du tribunal de grande instance de V, porte un trouble important à l’image de l’institution judiciaire ; que ce magistrat et le premier président de la cour d’appel de Y émettent un avis favorable à l’interdiction temporaire de ses fonctions par Mme X ;

Attendu qu’à la suite du jugement du tribunal de grande instance de Z en date du 12 décembre 1997, constatant le caractère inexact des motifs qui fondaient la demande présentée par Mme X, l’urgence de cette mesure exceptionnelle prise dans l’intérêt du service apparaît d’autant plus que, chef d’une juridiction, ce magistrat ne peut plus avoir la confiance de ses collègues après avoir obtenu une décision de l’une d’entre elles dans les conditions ci-dessus précisées, que son autorité est ainsi affectée à l’égard de tous ;

Par ces motifs,

Vu l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, modifié par la loi organique n° 92-189 du 25 février 1992,

Interdit temporairement à Mme X l’exercice de ses fonctions.