Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
08/10/1970
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (devoir de préserver l’honneur de la justice)
Décision
Retrait de l'honorariat
Mots-clés
Honorariat
Faux
Avocat
Légalité
Probité
Honneur
Retrait de l'honorariat
Président de chambre de cour d'appel
Fonction
Président de chambre honoraire de cour d'appel
Résumé
Remise d’attestations de complaisance à un avocat faisant l’objet de poursuites disciplinaires

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, complétée et modifiée par la loi organique n° 67-130 du 20 février 1967 ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 12 juin 1970, dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, président de chambre honoraire à la cour d’appel de V ;

Sur le rapport de M. le conseiller Brunhes ;

Ouï M. X en ses explications et M. le bâtonnier Brunois, son conseil ;

Attendu qu’une dame Z ayant saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats près la cour d’appel de W d’une plainte contre M. Y, alors inscrit au barreau de cette ville, l’instruction de cette plainte a permis d’établir que M. Y avait sollicité de sa cliente la remise d’une certaine somme d’argent pour faciliter une solution favorable dans une affaire en cours de délibéré devant la première chambre de la cour d’appel de V ;

Que M. Y a d’abord soutenu devant le conseil de l’ordre que cette somme d’argent était destinée à régler le montant d’une transaction régulièrement engagée entre les conseils des parties pour en terminer avec cette affaire ;

Attendu que l’enquête ayant établi l’inanité de ces allégations, M. Y a alors produit deux lettres portant les dates du 27 et du 29 juin 1968 (l’affaire était alors en délibéré) émanant de M. X, président de la deuxième chambre de la cour d’appel de V, dans lesquelles ce magistrat indiquait qu’une transaction lui paraissait possible dans l’affaire dont s’agit et que « le montant de l’arrangement pourrait être de 15 000 à 20 000 francs » ;

Que prié par le conseil de l’ordre de préciser les conditions dans lesquelles il aurait été amené à intervenir « en vue de la recherche d’une transaction », M. X écrivait au bâtonnier, suivant lettres du 7 et du 12 mai 1969, qu’il avait été effectivement appelé par M. Y à « examiner » l’affaire et « qu’à la suite de cet examen », il avait émis l’avis qu’un tel arrangement était possible et souhaitable ;

Attendu qu’invité à s’expliquer sur la teneur des lettres adressées à M. Y, M. X a varié dans ses déclarations ; qu’il soutient en dernier état que ces lettres ont été écrites au cours de l’hiver 1968-1969, donc postérieurement à l’arrêt de la cour de V qui avait donné gain de cause à Mme Z, dictées par M. Y et antidatées à la demande de ce dernier ; qu’il ne fournit sur les raisons qui l’auraient conduit à satisfaire au désir de M. Y aucune explication admissible et qu’il reconnaît qu’il n’avait eu communication d’aucun élément sérieux lui permettant d’avoir une opinion sur le fond de l’affaire ;

Attendu qu’il est donc établi que, sachant que M. Y faisait l’objet de poursuites disciplinaires à raison de ses agissements, M. X a confirmé au bâtonnier de l’ordre, par la correspondance précitée, qu’il avait été consulté et qu’il avait conclu que « l’arrangement » envisagé était possible et souhaitable ;

Qu’ainsi il a délivré à deux reprises des attestations de complaisance, destinées à soutenir les mensonges de M. Y et à égarer le conseil de l’ordre ;

Attendu que ces faits sont contraires à l’honneur ;

Attendu que, par décrets du 10 mars et du 5 avril 1969, M. X a été admis à faire valoir ses droits à la retraite et nommé président de chambre honoraire ;

Par ces motifs,

Prononce contre M. X la sanction disciplinaire prévue par l’article 79, 2°, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 modifiée (retrait de l’honorariat).