Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
17/07/1964
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de légalité (obligation de rédaction des décisions), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation d’assumer ses fonctions), Manquement aux devoirs liés à l’état de magistrat (obligation de résidence), Manquement au devoir de probité (obligation de préserver la dignité de sa charge), Manquement au devoir de probité (devoir de loyauté à l’égard de l’institution judiciaire), Manquement au devoir de probité (devoir de réserve)
Décision
Déplacement d'office
Mots-clés
Audience
Transport
Argent
Légalité
Rédaction des décisions
Etat de magistrat
Résidence
Fonctions
Probité
Dignité
Institution judiciaire (loyauté)
Réserve
Déplacement d'office
Juge de paix
Fonction
Juge de paix
Résumé
Violation de l’obligation de résidence et déplacements en « auto-stop » d’un magistrat l’ayant amené à être pris en charge par des justiciables qu’il avait à juger. Comportement inadapté à l’audience. Retards dans la rédaction et la signature des décisions. Acquisitions de fournitures personnelles au moyen de fonds professionnels

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos ;

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 19 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 26 février 1964 dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, juge de paix à la suite du tribunal d’instance de V ;

Sur le rapport de M. le conseiller Monegier du Sorbier ;

Ouï M. X en ses explications ;

Attendu que, négligeant tant les observations écrites de M. le premier président de la cour d’appel de W, en date d’octobre 1961, et des 28 janvier et 2 février 1962, 22 février et 8 mai 1963, lui rappelant l’obligation de résidence imposée aux magistrats par l’article 13 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant statut de la magistrature, que les promesses qu’il avait faites à ce haut magistrat les 8 octobre 1961 et 7 décembre 1963, M. X, juge de paix à la suite du tribunal d’instance de V depuis le 2 mars 1959, n’a cessé d’habiter l’appartement qu’en 1954, alors qu’il était juge de paix à A, il avait acquis à B, et s’est obstiné à ne venir à V que deux ou trois jours par semaine et uniquement pour la durée des audiences ;

Attendu que n’étant pas présent, M. X a abandonné l’administration du tribunal dont, au moins durant l’année 1962, il eut seul la responsabilité ; qu’il avait l’habitude de ne remettre à son greffier que plusieurs jours, et même parfois plusieurs semaines après les avoir rendues, le manuscrit de ses décisions et, contrairement aux dispositions de l’article 138 du code de procédure civile, de ne signer les minutes de ses jugements, qu’il ne relisait d’ailleurs pas, que longtemps après l’audience et souvent même après que le greffier les eut fait enregistrer ;

Attendu qu’il est également établi, tant par les témoignages recueillis que par les aveux de M. X, que ce dernier avait à l’audience une attitude regrettable, s’agitant, se levant de son siège pour aller s’entretenir avec le ministère public, le greffier ou les auxiliaires de justice et paraissant pressé et désireux de partir si l’audience se prolongeait ;

Attendu que M. X reconnaît que, depuis plusieurs années, pour se rendre de B à V ou à C où il était parfois délégué pour compléter le tribunal de grande instance, il pratique « l’auto-stop », arrêtant des camions ou des voitures particulières ; que cette habitude, contraire à la dignité et à la réserve que leur statut exige des magistrats, a ôté à M. X l’autorité nécessaire à l’exercice de ses fonctions et provoqué des incidents ou réflexions de la part de ceux qui, après l’avoir ainsi transporté, se voyaient condamner par M. X ;

Attendu que M. X a fait établir par divers commerçants des factures de papeterie ne correspondant à aucun achat réel pour les besoins du service ; qu’il reconnaît avoir ainsi utilisé pour l’achat de fournitures personnelles une somme de 185,80 francs dont il offre le remboursement ;

Par ces motifs,

Prononce contre M. X la sanction disciplinaire prévue par l’article 45, § 2, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 (déplacement d’office).