Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du siège

Date
02/03/1961
Qualification(s) disciplinaire(s)
Manquement au devoir de probité (devoir de respecter les exigences des bonnes mœurs), Manquement au devoir de probité (devoir de réserve)
Décision
Non-lieu à sanction
Mots-clés
Honorariat
Mineur
Atteinte sexuelle
Probité
Bonnes mœurs
Réserve
Non-lieu à sanction
Juge de paix
Fonction
Juge de paix honoraire
Résumé
Atteintes sexuelles par un magistrat honoraire sur une jeune fille mineure (voyeurisme reconnu par la magistrat et caresses alléguées par la jeune fille)

Le Conseil supérieur de la magistrature, réuni comme conseil de discipline des magistrats du siège, sous la présidence du premier président de la Cour de cassation, et statuant à huis clos,

Vu les articles 43 à 58 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le statut de la magistrature ;

Vu les articles 13 et 14 de l’ordonnance n° 58-1271 du 22 décembre 1958 portant loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu les articles 9 à 13 du décret n° 59-305 du 12 février 1959 relatif au fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu la dépêche de M. le garde des sceaux du 13 septembre 1960 dénonçant au Conseil les faits motivant la poursuite disciplinaire ouverte contre M. X, juge de paix honoraire à V (décret du 28 février 1959) ;

Sur le rapport de M. le conseiller Roland ;

Ouï M. X en ses explications ;

Attendu qu’aux termes de l’article 79 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, les magistrats honoraires sont tenus à la réserve qui s’impose à leur condition ; que leurs manquements à cette obligation ne sauraient, en l’état actuel des textes, être sanctionnés par aucune des peines disciplinaires prévues à l’article 45 de ladite ordonnance, lesquelles n’ont été édictées que pour les magistrats en activité et qu’elles ne peuvent éventuellement entraîner que le retrait de l’honorariat prononcé par l’autorité investie du pouvoir disciplinaire en vertu de l’alinéa 2 de l’article 79 susvisé ;

Attendu qu’il résulte, d’autre part, de l’article 78 de ladite ordonnance que les magistrats honoraires conservent, non seulement leur titre, mais demeurent attachés, avec les honneurs et privilèges propres à leur état, à la juridiction à laquelle ils appartenaient et aux cérémonies solennelles de laquelle ils peuvent assister en costume d’audience ; que le retrait de 1’honorariat les dépouille de cet ensemble de prérogatives et les élimine complètement de la magistrature ; d’où il suit que cette mesure, qui correspond pour les magistrats en activité à la révocation sans suppression du droit à pension, ne saurait sanctionner qu’une faute d’une gravité caractérisée ;

Attendu qu’il est établi que M. X a, au cours des années 1959 et 1960, reçu plusieurs fois à son domicile la jeune Y, âgée de quinze ans, fille de son ancien greffier, laquelle a consenti, d’ailleurs sans le moindre embarras, à se dévêtir complètement devant lui ; que ce fait, indépendamment de caresses alléguées par la jeune fille, lesquelles déniées par M. X ne sont pas prouvées, suffit à constituer à la charge de ce magistrat honoraire un manquement particulièrement blâmable à son obligation de réserve ;

Attendu qu’on ne saurait, par contre, retenir à la charge de M. X ni la remise d’une somme de 2 000 anciens francs à Z au moment où elle se préparait à faire une fugue, dont il s’était vainement efforcé de la dissuader, grief dépourvu de toute pertinence, ni le fait d’avoir accosté dans la rue la jeune Y, âgée de quinze ans, et de l’avoir invitée, sans succès, à entrer chez lui, fait insuffisamment caractérisé et d’ailleurs non établi ;

Mais attendu que la défaillance ci-dessus relevée d’un homme âgé dont la conduite n’avait jusque là donné lieu à aucun reproche, a été provoquée par l’attitude de Z, jeune fille sensuelle et perverse, qui a avoué de multiples aventures, plus ou moins fortuites, avec des amants et qui n’a pas craint, suivant ses propres déclarations, d’exiger la rémunération pécuniaire de ses complaisances ; que, par ailleurs, le médecin-expert a conclu que la responsabilité de M. X était « sensiblement atténuée » ;

Attendu que la gravité de la faute commise par M. X se trouve ainsi notablement réduite et que, si répréhensible qu’elle soit, elle ne saurait justifier la sanction extrêmement sévère que constitue le retrait de l’honorariat ;

Par ces motifs,

Dit n’y avoir lieu au retrait de l’honorariat.