Délibération de la formation disciplinaire compétente à l'égard des magistrats du parquet

Date
16/04/2021
Avis
Délibération
Mots-clés
Saisine
dénonciation de faits
poursuites disciplinaires
Investigations
Fonction
premier vice-procureur
Résumé
La demande adressée au Conseil supérieur de la magistrature de réaliser des investigations pour déterminer si un magistrat est passible de suites disciplinaires, en amont de sa saisine par la dénonciation de faits motivant des poursuites disciplinaires au sens de l’article 63 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, n’entre pas dans ses attributions.

CONSEIL SUPÉRIEUR

DE LA MAGISTRATURE

     Formation compétente à l’égard

        des magistrats du parquet

 

 

 

             Sur la saisine du Conseil supérieur de la magistrature relative à la situation de M.  X, premier vice-procureur financier au parquet national financier ;

             La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, statuant en matière disciplinaire, s’est réunie dans sa séance du 13 avril 2021, sous la présidence de :

            

             M. Jean-Paul Sudre, avocat général honoraire à la Cour de cassation, président suppléant de la formation,

            

             En présence de :

Mme Sandrine Clavel

M. Yves Saint-Geours,

Mme Hélène Pauliat,

M. Georges Bergougnous,

Mme Natalie Fricero,

M. Jean-Christophe Galloux,

M. Frank Natali,

M. Olivier Schrameck,

Mme Jeanne-Marie Vermeulin,

M. David Charmatz,

Mme Isabelle Pouey,

M. Jean-François Mayet,

Mme Marie-Antoinette Houyvet,

M. Cédric Cabut,

             Membres du Conseil,

 

Assistés de Mme Sophie Rey, secrétaire générale du Conseil supérieur de la magistrature,

 

             Vu l’article 65 de la Constitution ;

Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

Vu le décret n° 94-199 du 9 mars 1994 relatif au Conseil supérieur de la magistrature ;

Vu le décret n° 2020-1293 du 23 octobre 2020 pris en application de l’article 2-1 du décret n° 59-178 du 22 janvier 1959 relatif aux attributions des ministres ;

Vu la dépêche du Premier ministre et les pièces annexées reçues au Conseil le 31 mars 2021, saisissant le Conseil de faits imputables à Mme A, ancienne procureure de la République financier, et de la situation de M. X, premier vice-procureur financier au parquet national financier ;        

Vu la convocation adressée aux membres du Conseil le 8 avril 2021 à laquelle la dépêche précitée est annexée ;

 

***

 

Il résulte des termes de l’article 63 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, susvisée, que : « Le Conseil est saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires que lui adresse le garde des sceaux, ministre de la justice ».

En application des dispositions du décret n° 2020-1293 du 23 octobre 2020, susvisé, le Premier ministre a adressé au Procureur général près la Cour de cassation, président de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente en matière de discipline des magistrats du parquet, une dépêche reçue le 31 mars 2021, saisissant le Conseil d’une part, « de faits imputables à Mme A, ancienne procureure de la République financier » et, d’autre part, « de la situation de M. X, premier vice-procureur financier ».

S’agissant de la première citée, l’auteur de la saisine indique que les différents éléments reprochés sont susceptibles « d’être constitutifs d’insuffisances ou manquements imputables à Mme A, et donc donner lieu à des poursuites disciplinaires à son encontre ».

S’agissant de M. X, l’auteur de la saisine souligne que « différents comportements de M. X, pourraient, si le Conseil de la magistrature les corroborait, également être passibles de suites disciplinaires ».

Exposant que la mission d’inspection n’avait relevé aucun manquement à l’encontre de ce magistrat, il indique cependant que le dossier laisse apparaître des atténuations à ces appréciations favorables « dont l’ampleur [lui] paraît justifier qu’elles soient soumises à l’appréciation du Conseil supérieur de la magistrature ».

Il vise, d’une part, l’appréciation portée par la procureure générale près la cour d’appel de xxxxx sur la manière dont M. X a dénoncé, dans un courrier au visa de l’article 40 du code de procédure pénale, les agissements de Mme A, en des termes qui, selon la procureure générale, constituaient « pour le moins un manquement grave à la loyauté hiérarchique ».

Il vise, d’autre part, l’appréciation portée par l’actuel procureur national financier, M. B, au cours de l’enquête administrative, sur les « idées très arrêtées » de M. X dont « la démarche consiste à aller vérifier qu’il a raison dans l’analyse qu’il porte sur les dossiers », trait de caractère pouvant, selon ce magistrat, « mettre les dossiers en situation de danger ».

En conséquence, l’auteur de la dépêche indique : « Au vu de ces éléments, le Conseil supérieur de la magistrature sera saisi de la situation de M. X pour objectiver ou non la légitimité de sa dénonciation, apprécier sa manière de servir, et le cas échéant, qualifier son comportement au regard des principes de loyauté et d’impartialité ».

Le Premier ministre conclut sa dépêche en demandant au président de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature en matière de discipline des magistrats du parquet d’« inscrire la présente affaire à l’ordre du jour de cette haute instance aux fins d’examiner :

- d’une part, les manquements aux devoirs de délicatesse, d’attention à autrui, de loyauté, d’impartialité et de discrétion professionnelle susceptibles d’être imputés à Mme A ;

- d’autre part, en application des pouvoirs d’investigation prévus à l’article 52 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, l’adéquation du comportement professionnel de M. X au regard des devoirs de loyauté et d’impartialité ». 

Le Conseil relève que, contrairement au cas de Mme A, le Premier ministre ne lui dénonce pas de faits motivant des poursuites disciplinaires contre M. X, au sens de l’article 63 de l’ordonnance statutaire précitée, mais lui demande de réaliser des investigations, sur le fondement de l’article 52 de cette ordonnance, aux fins d’examiner si les comportements de l’intéressé pourraient, si le Conseil les corroborait, être passibles de suites disciplinaires.

Ces investigations, qui se situent nécessairement en amont de l’exercice des poursuites disciplinaires dans les conditions fixées par l’article 63 de l’ordonnance précitée, n’entrent pas dans les attributions du Conseil et n’apparaissent pas compatibles avec les principes régissant la répartition des compétences entre l’autorité de poursuite et celle chargée d’apprécier la caractérisation et la qualification des faits dénoncés.

En effet, l’enquête prévue par l’article 52 de l’ordonnance susvisée, confiée à un rapporteur désigné par le président de la formation compétente, ne peut intervenir qu’après saisine du Conseil dénonçant des faits motivant les poursuites disciplinaires, qui, en l’espèce, fait défaut.

                                             

PAR CES MOTIFS,

 

La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet, statuant en matière disciplinaire,

Après en avoir délibéré à huis clos,

CONSTATE qu’elle n’est pas saisie d’une dénonciation de faits motivant des poursuites disciplinaires contre M. X, au sens de l’article 63 de l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature susvisée, et qu’il n’entre pas dans ses attributions de réaliser, en amont de cette saisine, les investigations sollicitées par la dépêche du Premier ministre précitée concernant ce magistrat.

DIT que la présente délibération sera transmise au Premier ministre.

 

Fait à Paris, le 16 avril 2021.

 

 

La secrétaire,                                                                       Le président,

 

 

 

 Sophie Rey                                                                          Jean-Paul Sudre