Conseil supérieur de la magistrature statuant comme conseil de discipline des magistrats du parquet
La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet,
Vu l’article 65 de la Constitution ;
Vu l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 modifiée portant loi organique relative au statut de la magistrature et notamment l’article 65 dans sa rédaction issue de la loi organique du 25 juin 2001 relative au statut de la magistrature et au Conseil supérieur de la magistrature ;
Vu les articles 14 des lois portant amnistie des 20 juillet 1988 et 3 août 1995 ;
Vu la dépêche du 24 octobre 2001 de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, au procureur général soussigné, saisissant la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour la discipline des magistrats du parquet, pour avis sur les poursuites disciplinaires exercées contre M. X ;
Vu les dossiers disciplinaire et administratif de ce magistrat mis préalablement à sa disposition ;
Considérant que l’affaire a été mise en délibéré à l’issue de débats qui se sont déroulés publiquement dans les locaux de la Cour de cassation les 18 et 19 mars 2002 et au cours desquels :
- M. X ne s’est pas présenté, bien que régulièrement convoqué ;
- après audition du directeur des services judiciaires, le rapporteur a été dispensé par celui-ci et les membres du Conseil de la lecture intégrale de son rapport qui leur avait été antérieurement communiqué ;
- le directeur des services judiciaires a présenté ses demandes ;
Considérant qu’il résulte du dossier les faits suivants :
Par actes datant respectivement du 20 juin 2001 s’agissant de MM. X, Y et Z, et du 24 octobre 2001 s’agissant de M. A, Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, a saisi le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente pour les magistrats du parquet, de manquements à la discipline qui seraient imputables à ces magistrats alors qu’ils exerçaient leurs fonctions au parquet du tribunal de grande instance de V en qualité de procureur de la République pour les deux premiers nommés, de substitut pour les deux autres ;
Les manquements invoqués avaient trait à la disparition survenue entre 1975 et 1979, de sept jeunes femmes, dans le ressort du parquet de V et largement évoquée dans la presse, à partir de 1995, sous le nom d’« Affaire des disparues de C » ; il est apparu, en effet que l’institution judiciaire n’avait pas apporté au traitement de ces disparitions une réponse adaptée et qu’il y avait lieu de mettre en cause ces quatre magistrats ayant eu, à divers titres, à connaître de cette affaire ;
Compte tenu du cadre déterminé par les actes de saisine du Conseil supérieur de la magistrature, il convient d’indiquer, dans une première partie du présent avis, les conditions dans lesquelles la disparition de ces sept jeunes femmes a été portée à la connaissance du parquet de V, et ensuite quel traitement a été réservé à ces informations ; il y aura lieu, enfin, d’établir si le comportement de M. X pendant la période où il était en fonction à ce parquet, peut être considéré comme fautif et, dans l’affirmative, susceptible de constituer un manquement à l’honneur de ce magistrat ;
I - Les faits portés à la connaissance du parquet de V
A trois reprises, de 1981 à 1984, le parquet de V a eu son attention attirée sur le cas d’un nommé B, chauffeur d’autocar fréquemment affecté au transport d’enfants handicapés ; ces signalements étaient dus à l’adjudant de gendarmerie D, sous-officier affecté à la brigade des recherches de V ;
1 - Une procédure, établie en 1981, conduisait à la condamnation de B à quatre années d’emprisonnement, par arrêt de la cour d’appel de Paris du 14 décembre 1983, pour agressions sexuelles sur deux jeunes filles handicapées et confiées à la garde de sa concubine ;
2 - Le 29 décembre 1982, B était placé en détention provisoire par le juge d’instruction de V, saisi d’une affaire d’homicide volontaire sur la personne de L, dont on avait retrouvé le cadavre le 5 juillet 1981 à ... ; les soupçons s’étaient en effet portés sur lui, ancien amant de la victime, B était la dernière personne à l’avoir vue vivante ;
Le 4 mai 1984, cette affaire était clôturée par un non-lieu, sur réquisitions conformes du procureur de la République de V, M. X ;
3 - Le 23 juin 1984, l’adjudant D transmettait au parquet un procès-verbal d’enquête préliminaire faisant état de la disparition de six jeunes femmes dont une mineure, relevant de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales ;
Il s’agissait de :
- ..., née le 19 février 1963 à …, disparue depuis le 26 septembre 1979,
- …, née le 1er décembre 1948 à ..., disparue au début de l’année 1975, alors qu’elle occupait une chambre louée par B dans un établissement de V...,
- …, née le 22 novembre 1958 à ..., disparue en 1977,
- ..., née le 1er octobre 1955 à …, disparue depuis juillet 1977,
- …, née le 7 août 1952 à ..., disparue le 4 avril 1977, alors qu’elle était placée chez les époux B, à I,
- ..., née le 19 janvier 1959 à ..., disparue subitement le 22 avril 1977, à la sortie de l’école ;
Il ressort de la lecture de ce procès-verbal que ces six jeunes femmes étaient toutes connues de B, qu’elles avaient disparu subitement abandonnant leurs affaires, voire leurs enfants (pour les sœurs …) et que quatre d’entre elles habitaient I, commune de résidence de B ;
Le procès-verbal comportait de nombreuses auditions de personnes ayant connu les jeunes femmes disparues et mettant en cause de la façon la plus nette, le comportement de B ;
L’adjudant D précisait par ailleurs qu’il avait tenu M. A informé de ses investigations, que ce dernier lui avait prescrit « d’établir un procès-verbal de renseignements judiciaires et de transmettre au parquet ce dossier » ;
Ce dossier est effectivement parvenu au parquet de V et a fait l’objet, dans des conditions sur lesquelles il y aura lieu de revenir en détail, d’un « archivage » dont il ne sortira qu’en 1996, douze ans plus tard, à la suite de recherches effectuées à la demande de M. Z, procureur de la République en fonction à l’époque ;
Un silence de neuf années allait suivre l’archivage effectué en 1984 ;
Au printemps 1993, M. X, substitut des mineurs au parquet de V, a reçu la visite de M. E qui va se révéler comme le porte-parole des familles des jeunes femmes disparues ; M. E lui ayant fait part de son étonnement devant le nombre de ces disparitions inexpliquées, M. Z, par un soit-transmis du 3 mai 1993, demandait à la direction départementale de la solidarité ce qu’étaient devenues quatre jeunes femmes, dont ..., ... et ..., suivies par ses services dans les années 1970-1980 ;
Cette demande restait sans réponse durant environ six mois ; il devait alors être téléphoniquement indiqué à M. Z qu’il n’était pas trouvé de trace des dossiers de ces jeunes femmes ;
Ce n’est qu’à partir de 1995, à la suite d’émissions radiodiffusées ou télévisées et d’articles de presse, que l’affaire sortait véritablement de l’oubli ;
Des plaintes étaient déposées avec constitution de partie civile contre X, en 1996, devant le juge d’instruction de V ;
Conformément à des réquisitions établies par M. Y, procureur de la République, le 24 janvier 1997, aux termes desquelles « aucun indice ne laissait présumer que les personnes disparues avaient été les victimes depuis temps non prescrit d’infraction à la loi pénale », le juge d’instruction opposait à ces plaintes des ordonnances de refus d’informer ;
Saisie de recours des parties civiles, la cour d’appel de W, par arrêt du 7 mai 1997, infirmait les ordonnances attaquées et permettait ainsi la reprise de l’instruction et la mise en examen et en détention de B ; un arrêt du 20 février 2002 de la chambre criminelle de la Cour de cassation a reconnu, d’autre part, que le soit-transmis envoyé le 3 mai 1993 par M. Z aux services du conseil général avait interrompu la prescription des faits criminels évoqués par les parties civiles ;
II - Le traitement de ces affaires par le parquet de V de 1977 à 1997
Une vision globale et rétrospective des faits faisant l’objet de la saisine du Conseil supérieur de la magistrature met en évidence une faute majeure commise en juin 1984 par le parquet de V : l’absence d’exploitation du procès-verbal d’enquête établi le 23 juin 1984 par l’adjudant D ;
Compte tenu de l’exceptionnelle gravité des faits énoncés dans ce procès-verbal, son archivage, sans qu’une véritable décision ait été clairement prise par un magistrat, ne peut être considérée que comme un dysfonctionnement intolérable du service public ;
Le temps écoulé depuis lors, tout comme les défaillances de mémoire alléguées par les deux magistrats qui ont été concernés, à l’époque, par le traitement du dossier, rendent difficiles toutefois la reconstitution des faits ;
Il peut néanmoins être reconnu comme établi que le procès-verbal litigieux a été enregistré au bureau d’ordre, le 26 juin 1984, et examiné par M. A dont il faut rappeler qu’il était en relations amicales avec l’adjudant D et qu’il avait suivi le déroulement de l’enquête menée par celui-ci ;
M. A a apposé sur ce procès-verbal un « papillon » agrafé sur lequel il a écrit « M. F (nom du juge d’instruction qui avait instruit le dossier de l’homicide perpétré sur L). A joindre à l’information sur l’homicide volontaire L. Me faire savoir s’il vous faut un supplétif » ;
Ce procès-verbal est ensuite revenu au bureau d’ordre où fut portée la mention « joint à 8071/81 », qui se trouve bien être le numéro de la procédure criminelle relative au meurtre de L ; par ailleurs, le mot « NON » a été apposé sur le « papillon » établi par M. A apparemment pour donner une réponse à sa demande relative à l’établissement d’un réquisitoire supplétif ;
L’enquête administrative n’a permis d’établir ni si le procès-verbal et son « papillon » ont été transmis à M. F, ni qui avait apposé le mot « NON » ; M. F n’a, en tout cas, aucun souvenir d’avoir vu le procès-verbal et l’auteur du mot « NON » est inconnu ;
On peut toutefois supposer que le secrétariat du parquet a joint le procès-verbal vu par M. A au dossier concernant le meurtre de ..., lequel avait fait l’objet d’un non-lieu quelques semaines auparavant ;
L’inaction ultérieure du parquet reçoit ainsi une explication : M. A, ayant eu connaissance du procès-verbal d’enquête D, a quitté le parquet, le soir même du 26 juin, pour rejoindre son nouveau poste à W ; ni la gendarmerie nationale, ni la direction de l’action sanitaire et sociale, ni les familles des victimes ne se manifesteront ensuite auprès du parquet ; M. A est revenu à V, en 1986, en qualité de premier substitut, mais il dit à présent qu’il avait oublié ce dossier ; quant à l’adjudant D, il paraît avoir renoncé à poursuivre ses investigations dans cette affaire où il s’était pourtant fortement impliqué ; il devait se suicider le 3 août 1997 ;
On peut mesurer ainsi les conséquences catastrophiques de l’enlisement de l’enquête D : il n’a pas permis de faire les rapprochements qui s’imposaient avec d’autres affaires délictuelles ou criminelles ayant eu pour victimes, à des époques voisines, des jeunes femmes de la région ; Ni le meurtre de L évoqué ci-dessus, ni les actes de tortures commis à son domicile par un nommé G, condamné pour ces faits à la réclusion criminelle à perpétuité, le 1er novembre 1991, par la cour d’assises de J, ni les viols commis par le nommé H, secrétaire général de l’association pour adultes et jeunes handicapés de J, qui lui vaudront une condamnation à la peine de six années d’emprisonnement en 1992, ni la disparition de ..., survenue le 11 décembre 1987, et ayant fait l’objet d’un classement sans suite le 21 janvier 1988, n’ont été mis en relation avec les soupçons qu’exprimait l’adjudant D dans son enquête ;
On doit même retenir que l’archivage malencontreux de la procédure établie par D n’a pas permis aux magistrats du parquet de V de prendre conscience de la présence, dans leur ressort, de nombreuses jeunes femmes fragilisées, susceptibles de devenir des victimes d’individus pervers ;
Cette absence de prise de conscience d’une effroyable réalité va certainement jouer un rôle décisif dans l’attitude que manifesteront, dix ans plus tard, MM. Y. et Z, quand ils seront saisis, à partir de 1993, des signalements de M. E et des plaintes des victimes ;
Au lieu de comprendre immédiatement que, malgré leur tardiveté par rapport aux faits dénoncés, les demandes de suites judiciaires justifiaient qu’elles fussent accueillies et vérifiées de façon rapide et approfondie, les magistrats du parquet de V qui eurent à en connaître entre 1993 et 1997 adoptèrent une position globale marquée par le scepticisme et l’incrédulité ;
Cette attitude d’esprit peut trouver diverses explications qui se cumulent d’ailleurs : la notion de prescription criminelle par dix ans, la passivité des familles des victimes entre 1984 et 1993 et l’indifférence traditionnelle de nombreux parquets devant les disparitions qui, par elles-mêmes, ne nécessitent pas la mise en œuvre de l’action publique ; il serait souhaitable, à cet égard, que les parquets soient invités à porter une plus grande attention à ces disparitions, en particulier quand elles concernent des personnes fragiles (mineurs, incapables majeurs, handicapés, marginaux, etc.) ;
Ne saurait être négligée, non plus, pour expliquer le manque de dynamisme du parquet de V tout au long de cette période, l’absence de réactions des différentes institutions qui étaient concernées au premier chef par ces disparitions répétées, notamment la gendarmerie nationale, la direction de l’action sanitaire et sociale et le conseil général ; on ne s’explique guère qu’au cours des années 1984-85, la hiérarchie locale de la gendarmerie ne se soit pas enquise auprès du parquet du devenir de la procédure D ; on ne s’explique guère non plus que les administrations de tutelle des jeunes femmes disparues n’aient pas manifesté plus d’intérêt à leur égard ;
Il est légitime de s’interroger sur cette indifférence quasi générale de ces institutions publiques alors que ces disparitions auraient dû susciter recherches, enquêtes et questionnement ; cette apathie a été et est encore vivement reprochée aux pouvoirs publics ;
III - La responsabilité de M. X
Il lui est reproché sa négligence dans le suivi du dossier d’instruction qu’il avait ouvert, en 1981, à la suite du meurtre de L, négligence qui l’aurait conduit à ne pas pousser les recherches sur le sort des autres jeunes femmes qui avaient disparu dans l’entourage de B ;
De même, l’acte de saisine du Conseil supérieur de la magistrature relève l’apathie de M. X à la suite de la réception, par son parquet, du procès-verbal d’enquête clôturé le 23 juin 1984 par l’adjudant D ;
Lors de son audition, M. X a manifesté des défauts de mémoire très regrettables mais qui peuvent avoir une certaine explication, si l’on tient compte de l’éloignement des faits dans le temps ;
C’est ainsi que le procès-verbal dressé par la brigade de gendarmerie de V le 12 octobre 1979, à la suite de la disparition de la jeune ..., âgée de seize ans, a été classé sans suite, le 4 décembre suivant, par le parquet de V, sans que son chef de l’époque puisse apporter d’éclaircissement sur cette décision ;
C’est ainsi que M. X n’a pu donner d’explication à l’absence d’exploitation, par son parquet, des déclarations faites en décembre 1981 dans le cadre de la procédure criminelle, par B qui avouait avoir un comportement sexuel dévoyé et connaître certaines des jeunes femmes disparues ;
C’est ainsi, aussi, que, bien qu’ayant des contacts personnels avec l’adjudant D qui lui avait fait part de l’existence de l’enquête qui donnera lieu à l’établissement de son procès-verbal du 23 juin 1984, il ne s’est aucunement inquiété du devenir de celle-ci, alors que le substitut A, chargé jusque-là du dossier, avait quitté le parquet le 26 juin 1984 ;
Compte tenu du classement effectué en décembre 1979 du procès-verbal relatif à la disparition de la mineure ..., on s’étonne de l’indifférence de M. X quant au sort de ces jeunes femmes disparaissant dans la région de V ;
On doit relever aussi la mauvaise organisation du parquet qui ne permettait pas à l’information de circuler entre ses membres, pourtant bien peu nombreux ; il paraît rétrospectivement incompréhensible que M. X ait pu décider de requérir, en mai 1984, un non-lieu dans l’affaire du meurtre de L qui mettait en cause B, sans en informer son substitut, M. A qui, à la même période, dirigeait l’enquête qu’effectuait l’adjudant D sur le même personnage ; cette défaillance de communication a été une des causes importantes du manque d’implication du parquet dans les affaires de disparition ;
La présente affaire révèle comme était lucide l’appréciation que le procureur général près la cour d’appel de W portait, le 11 mai 1988, sur les défauts que présentait le mode de direction du parquet de cette ville adopté par M. X ; « M. X... n’aurait qu’avantage à organiser son parquet de manière à avoir de son fonctionnement une vue complète et continue et se ménager ainsi des moyens de coordination, d’animation, d’impulsion et le rééquilibrage harmonieux des services de chacun » ;
Si on ne saurait faire, après coup, un grief excessif à un procureur de la République de ne pas avoir établi de liens entre des disparitions qui lui étaient signalées à des époques différentes, il n’en demeure pas moins que M. X a manqué au devoir qui incombe à tout chef de parquet d’organiser celui-ci afin d’assurer la protection des plus faibles ;
Le respect de la liberté individuelle qui conduit traditionnellement notre société à reconnaître un véritable droit, pour tout individu majeur, à se soustraire sans explication à son environnement social habituel, ne peut justifier la passivité du responsable judiciaire de l’ordre public local, alors que le pouvoir de direction de la police judiciaire que détient le procureur de la République, par application combinée des articles 12 et 41 du code de procédure pénale, inclut nécessairement le pouvoir d’initiative ;
Le manque de discernement et le défaut de diligence de M. X sont, dès lors, patents et doivent être considérés comme des fautes professionnelles ;
Elles ne seraient toutefois passibles de sanctions disciplinaires que pour autant qu’elles seraient considérées comme contraires à l’honneur et qu’elles échapperaient ainsi aux lois d’amnistie des 20 juillet 1988 et 3 août 1995 ;
Il convient, toute chose égale par ailleurs, de tenir compte aussi de l’évolution des exigences sociales à l’égard de l’action judiciaire, exigences qui se sont considérablement accrues depuis les faits reprochés à M. X ;
Ainsi que le relève, à juste titre le rapport établi en février 2001 par l’inspection générale des services judiciaires (p. 20) : « L’arsenal législatif et réglementaire actuel ne comporte pas de mesure permettant aux autorités judiciaires de conduire des recherches approfondies en cas de disparition de personnes. Si l’usage est d’aviser le ministère public en cas de fugue prolongée d’un mineur, cette démarche n’entraîne généralement pas de suite ... Pour les majeurs, la réponse juridique en droit civil se résume à la procédure de présomption d’absence destinée à régler les conséquences patrimoniales de la disparition, mais n’ouvre pas la voie à une recherche effective de la personne concernée. C’est en définitive sur le terrain administratif que se situent pour l’instant les réponses institutionnelles... » ;
L’apathie de M. X trouve là son explication fondamentale : il n’y a pas de procédure de « recherche des causes d’une disparition » comme existe une procédure de « recherche des causes de la mort » et beaucoup de magistrats du parquet considéraient et considèrent encore qu’il n’y a pas lieu de mettre en œuvre l’action publique ni même une enquête approfondie en cas de disparition d’une personne ;
Cette situation, si regrettable soit elle, s’ajoutant à l’absence de plaintes des familles des victimes et à l’atonie de l’administration chargée de l’action sanitaire et sociale, permet, dans une certaine mesure, de comprendre le désintérêt manifeste par M. X pour les disparitions qui lui ont été signalées ;
Ces explications du comportement de M. X ne sauraient toutefois être considérées comme justifiant une absence de discernement inadmissible de la part d’un chef de parquet ; l’inaction de M. X doit, dès lors, être retenue comme un manquement à l’honneur professionnel échappant aux effets des lois d’amnistie du 20 juillet 1988 et 3 août 1995 ;
Par ces motifs,
Émet l’avis que les fautes commises par M. X justifient la sanction de retrait de l’honorariat prévue par les articles 43 et 79, alinéa 2, de l’ordonnance du 22 décembre 1958 susvisée ;
Dit que le présent avis sera transmis à Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, par les soins du secrétaire soussigné.